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Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne, 16 septembre 1908

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Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne
16 septembre 1908


Extrait du journal

Lorsqu’aprés sa condamnation Pataud s’est écrié qiVon supprimait le droit de grève, il n’avait pas tout à lait tort. Si l’on ne supprime pas le droit, ou en supprime dans tous les cas la libellé. l’n tribunal pourra condamner un mineur sur la plainte d’un mar chand de charbon, une couturière parce qu’elle a privé de sa toilette une dame qui allait au bal, un gar çon coiffeur parce qu’un monsieur aura été obligé de garder :-a barbe, ce qui lui aura fait rater un ma riage. Nous n’en finirions pas, et il vaudra mieux dire une bonne fois qu’aucun travail ne pourra être arrêté sans dommages-intérêts. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Cette sagesse des nations parait de plus en plus ignorée par les nations, qui ne peuvent pas s’y réî-igner, et qui s’obtinent à cher cher le moyen d’ouvrir une porte en continuant à la fermer,ou de la fer mer eu la laissant ouverte. C’est le cas du juif Shylock, que le juge autorise à couper un mor ceau de chair, à condition qu’il ne répande pas de sang. « Car, lui dit-on, s’il y a une loi qui force les débiteurs à livrer ce qu’ils ont promis, il y en a une autre qui défend aux juifs de verser le sang d’un chrétien. Ai range toi donc pour combiner ces deux lois, prends le morceau de chair auquel tu as droit, mais garde-toi de faire tomber du sang, sinon tu seras pendu ». Il y a également deux lois dans le cas qui nous occupe. Et le juge dit au gréviste : e Je respecte la loi qui t’autorise à cesser ton travail quand et comme tu voudras; mais je t’applique une autre loi qui punit ceux qui ont porté dommage à autrui ». — Comme il est impossible, pourra toujours répondre le gré viste, que je fasse grève sans porter dommage à autrui, tâchez d’arranger vos lois de façon à ce qu’elles ne se contredisent point, et qu’on puisse appliquer i’uue sans un même temps violer l’autre. Dans le Misanthrope et C Auvergnat, le Misanthrope dit à son domestique d’aller lui chercher une épingle dans la fosse de l’ours Martin. — Monsieur me chasse ? dit le domestique. — Je ne te chasse pa*, répond le Misanthrope : je t’envoie chercher une épingle. De même vous ne m’em • pêchez pas de faire grève, seulement vous me punissez de l’avoir faite. — Pardon, continuera le juge, votre grève constitue l’abus d’un droit. Il faut user, il ne faut pas abuser. Il y a des grèves qui ont le sens commun, et il y a des grèves qui n’ont pas le sens commun. La vôtre n’a pas le sens commun....

À propos

Fondé en 1869, Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne affiche très vite son indépendance totale vis-à-vis de l’État en tenant haut le drapeau de la démocratie. Profondément pacifiste, le journal est convaincu que l’entente des peuples doit passer par une démilitarisation multilatérale. Il paraît jusqu’en 1914.

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