Extrait du journal

roulait le bruit de la détonation sur les pentes du coteau rocheux. Les bêtes trou blées remuaient, voletaient et Toc qui tout à l’heure hurlait mélancoliquement à la lune, ramené aux choses de la terre, fit des abois furieux le long des murs de l’enclos. La mère Bonhiver ne fut pas la dernière à s’inquiéter. Son imagination, d’ordinaire si riante, roulait depuis quelque temps des idées tragiques. Elle voyait un peu rouge quand elle prédisait sous son hennin, et parfois en arrosant ses légumes, elle hochait la tête, fronçait les sourcils ; elle craignait des machinations pour ses amoureux ; elle n’aimait pas rencontrer autour de son petit domaine le louche Morinier avec son fusil... C’était même pour cela, c’était pour le tenir qu’elle cherchait, depuis quelque temps, le magot. Les rapports de Morinier avec Cendrau ' — elle les connaissait en faisant causer le monde — lui donnaient beaucoup à ré fléchir. Cependant, réveillée en sursaut, debout tout de suite, elle courut comme un lutin dans toute sa maison ; et elle alla compter ses pigeons dans leur petite tour, car c’était peut-être tout de même à eux que de mauvais braconniers en voulaient. Elle les trouva très émus, mais ni veufs ni veuves, ils étaient au complet. Les chèvres aussi. Dans l’étable, la vache s’était levée et elle regardait la mère...