Extrait du journal
sentation nationale, — on en fait. D’habiles... négociateurs poussent les Arabes à la ré volte. La poudre a parié dans les montagnes de la Kabylie. Des bulletins triomphants font surgir de leur obscurité des noms in connus jusque-là. Qu’importent l’argent gaspillé et le sang inutilement versé en ces expéditions : le prétexte est trouvé pour appeler M. de Saint-Arnaud au ministère de la guerre. On est prêt. Alors on jette le masque ; l’heure est passée des démentis indignés opposés à ceux qui parlent de coup d’Etat. On a fait un serment, on se parjure ; il y a une Constitution qui vous lie, on la déchire de la pointe de son épée ; on a devant soi des députés inviolables, on les emprisonne, on les proscrit — on les fusille s’ils résis tent au nom du droit violé. Il y a sur les boulevards une foule pai sible, on la mitraille sans pitié. En province, les colonnes mobiles orga nisent des battues, on fait la chasse à l’homme. Puis, quand on s’est débarrassé de tous les éléments de résistance, quand on a réduit au silence tout ce que la France comptait d’hommes considérables, on con sulte le pays affolé, terrorisé, conduit au scrutin par ceux-là mêmes qui s’apprêtent à l’exploiter. Oh 1 rien ne restera debout du vieil honneur français. Le clergé appellera la bénédiction du Très-Haut t,ur le parjure triomphant; l’armée, soulevée contre la loi, devra chercher sa réhabilitation sur vingt champs de bataille ; les commissions mixtes imprimeront sur la magistrature de l’époque une tacha ineffaçable. C’est do l’histoire, cela ! Est-ce donc là l’œuvre d’un parti considérable ? Nous au rions cru que tant d’infamies et de crimes comparaîtraient en cour d’assises autrement que pour y recevoir la discrète approbation d'un magistrat. Mais voici la curée. Elle a duré vingt ans. Nos mœurs civiles, nos caractères abaissés, la soif de jouissance développée sans mesure, l’antagonisme soigneusement entretenu entre les classes de la société, la corruption et le mensonge s’étalant au grand jour, les richesses de la France li vrées à toutes les cupidités et son honneur compromis dans les plus folles aventures, le pillage du palais d E»é, le coup de foudre de Sadowa, les fossés de Queratero, toutes les servitudes et toutes les humiliations : voilà ce que nous avons subi. Ah 1 ce fut une époque de prospérité sans pareille. Les affaires, comme on dit, les affaires allaient bien sous ce glorieux règne. Seulement ceux qui leur imprimaient une si brillante impulsion sont venus misé rablement échouer sur les bancs de la po lice correctionnelle. Car c’est encore de l’histoire cela, et de l’histoire contemporaine. Dira-t-on toujours que ces spéculations honteuses, coupables, frappées par les tribunaux, sont l’œuvre d’un parti considérable ? Voici enfin le couronnement de l’édifice. Avant le drame nous avons la comédie plébiscitaire du 8 mai 1870. Muni d’un nouveau blanc-semg, Napoléon 111 en va user au profit de sa dynastie. La France semble reprendre conscience d’elle-même, un souffle de liberté a passé sur le pays, il est temps que la France des batailles do mine ces rumeurs inquiétantes. Faut-il dire le reste ? EU quand nos bles sures saignent encore, est-il besoin de rappeler quelle main les a causées V Interprète de la conscience publique, l’Assemblée nationale a solennellement proclamé la déchéance de Napoléon 111 et l’a déclaré responsable de l’invasion, de la ruine et du démembrement de la France. A ceux qu a frappés ce vote, aux artisans de nos malheurs, aux complices du crime de Décembre et des infamies de l’Empire, aux conspirateurs éhontés dont les menées impudentes sont en ce moment même dé férées à la justice, peut-on dire encore qu’ils sont un parti considérable dans la nation ? Nous voulons croire que les paroles de M. l’avocat général Hémard ont été mal entendues ou mal traduites, et qu’il sera le premier à les désavouer. S’il en était autrement, il faudrait fer mer le livre de la Loi et voiler la statue de la Justice, il faudrait rayer de notre langue les mots : conscience, honneur, vertu, devoir. Non, lorsqu’on a à sa charge tant de forfaits impunis, lorsqu’on a fait revivre les décrets de proscription et de spoliation, lorsqu’on a mutilé et appauvri son pays après l avoir trompé et exploité vingt années durant, on n’est pas un parti, on n’est pas même une faction. Encore une fois, nous voulons espérer que M. l’avocat général Hémard démentira l’inqualifiable propos qu’on lui a attribué. Sans quoi, nous demanderions au gouver nement si, non content d’ouvrir les voies à l’Empire par le choix de ses préfets et de ses maires, il tient à le taire réhabiliter par ses magistrats. L’Assemblée, elle aussi, pourrait de mander quel compte on tient de ses déci sions souveraines. (Bien public.}...
À propos
Fondé en 1869, Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne affiche très vite son indépendance totale vis-à-vis de l’État en tenant haut le drapeau de la démocratie. Profondément pacifiste, le journal est convaincu que l’entente des peuples doit passer par une démilitarisation multilatérale. Il paraît jusqu’en 1914.
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