Extrait du journal

Le Congrès féminin de 1892 a été une preuve éclatante de ce que peut F union des femmes. Organisé en peu de temps, avec des ressources pécunières très minimes, sans aucune protection officieuse ou officielle, le Congrès a eu tout le succès qu'un congrès peut avoir. Mais, au total, un Congrès n'est qu'un Parlement éphémère et sans au torité. Il ne peut émettre que des vœux. Or, former des vœux sans chercher à les faire aboutir par des efforts soute nus, c'est souhaiter d'avoir une fortune sans se donner la peine de la gagner. Il ne s'agit pas, pour améliorer le sort de la femme et pour lui faire obte nir ses droits, de faire des discours plus ou moins éloquents, il ne s'agit pas de répéter pour la centième fois des véri tés que nous savons aussi bien que l'o rateur, de déclamer sur l'inégalité des sexes, sur les injustices faites à la femme par le Code Napoléon, sur les difficultés qu'elle rencontre quand elle veut gagner honnêtement sa vie il s'agit d'organiser et de s'entendre pour remédier à tout cela ; il s'agit de parler moins et de faire un peu plus. Mais voilà ! cela est bien plus diffi cile, plus terre-à-terre que de pérorer! Lancer une idée, c'est bientôt fait. La poursuivre, se dévouer, rester à la brèche, oublier pour la cause ses préfé rences et ses sentiments personnels, savoir au besoin s'éclipser pour elle et faire taire jusqu'à l'amour-propre et la vanité — c'est bien plus dur. Pourtant si le parti féministe, aujour d'hui bien et dûment constitué, veut arriver à un résultat équivalent à la force dont il peut disposer, ce n'est qu'à ce prix qu'il peut l'obtenir. Il ne faut pas jouer comme un enfant à la poli tique. Le parti féministe n'est plus dans son enfance et si les femmes n'ont pas toute l'expérience voulue de la vie publique, il leur est nécessaire de l'ac quérir le plutôt possible et de profi ter, pour régler leur propre ligne de conduite, des leçons que leur donnent chaque jour les différents partis mascu lins....