Extrait du journal

Pendant les vacances qui, en notre temps laborieux, ne sont de pleines vacances que pour bien peu de nous, je fais, à défaut de grands voyages, quelques courtes excursions. C'est ainsi qu'en allant à la côte normande je me suis arrêté à Rouen. J'en ai profité pour aller, en pèlerinage, revoir la demeure - de Flaubert, à Croisset. C'était, jadis, un séjour pittoresque et charmant. Hé'las ! il n'en reste presque plus rien. Une tuilerie, ou quelque chose d'approchant, s'est élevée par là. Le jardin de Flaubert, avec ses beaux ombrages, ses arbres séculaires, à travers les feuilles desquels on apercevait le ruban d'argent de la Seine, ont été détruits. Et, n'était qu'on n'a pas pu altérer la beauté de l'horizon; avec la rivière au premier plan, et, plus loin, les collines qui s'étagent, couronnées de verdure, l'industrialisme a remporté une pleine victoire sur la beauté poétique du paysage et sur la religion du souvenir. Il y a quelque tristesse dans ces choses. Pour moi et pour quelques autres, c'est un passé charmant qui est devenu de la nuit. Certes, le souvenir de Flaubert peut survivre à cette destruction de son ermitage. Mais les esprits sont ainsi faits que, pour évoquer plus sûrement et d'une émotion plus grande un homme dont ils aimèrent le talent, il est nécessaire de retrouver quelque chose du décor où il a vécu. Il n'est guère de religion qui n'ait besoin, pour son culte, d'un lieu sacré où la foi se fait plus vive et où le souvenir se fortifie et se précise. La vénération des reliques n'est pas particulière à la piété des chrétiens....