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Le Journal, 13 avril 1902

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Le Journal
13 avril 1902


Extrait du journal

L'autre jour, à Marseille, flânant sur les quais du Vieux-Port, j'ai. rencontré mon ami Pierre Roucas. Il y avait bien dix ans que je ne l'avais vu, ce brave garfon. Petit, trapu, très droit, le jarret souple, la barbe toujours noire, le large chapeau mou posé crânement sur oreille, il n'avait, pas changé, pas vieilli. Ces Marseillais sont étonnants : le temps, les tristesses, les ennuis, les déceptions passent sur eux sans les atteindre et sans les courber. C'était bien le même Pierre Roucas que j'avais connu jadis, quand, venu de Marseille à Paris pour y conquérir la gloire, la fortune. que sais-je?. il trouvait, le soir même de son arrivée, un magnifique emploi au Constitutionnel où on lui confiait, sur sa belle mine, la rédaction en chef de la température. La température est une bonne chose ; elle mène à tout, mais à la condition d'en sortir. Or, mon pauvre Pierre Roucas ne put jamais sortir de la température. Il alla d'une température à l'autre, du Constitutionnel au Public, du Public à l'Etendard, de YEtendara au Petit National, etc. et, dégoûté, après beaucoup d'années, d'écrire chaque jour dans ces feuilles diverses et obscures : « Mer calme à Marseille, houleuse à Sicié, très grosse aux Iles Sanguinaires », il s'en retourna à Marseille où, à force de recommandations, d'intrigues et de prestige parisien, il parvint à obtenir la rédaction en chef de la température — toujours ! — dans une petite feuille bi-hebdomadaire, bilittéraire, bi-satirique : Le Cri de l'Estaque. Pauvre Roucas !. Mais il était ainsi fait qu'aucun de ces incidents n'avait pu altérer sa gaieté. Je sus aussi que, fréquentant assidûment les cafés de la Canebière, il y rencontrait ides armateurs, il récoltait, ue-ci de-là, avec quelques absinthes, quelques menus courtages qui- lui permettaient do vivre honorablement et même de se payer, quelquefois, dans un des restaurants du Vieux-Port, des coquillages exquis et de somptueuses bouillabaisses....

À propos

Fondé en septembre 1892 par Fernand Xau, le quotidien Le Journal fut l’un des titres de presse les plus importants au début du XXe siècle. Modéré, parfois frileux, il séduit une large audience populaire par son contenu littéraire de qualité et la collaboration de grandes signatures. D’une sensibilité républicaine à ses débuts, il s’en détache peu à peu pour adopter une ligne davantage nationaliste et anticommuniste – assurément de droite – sans jamais côtoyer les extrêmes.

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