Extrait du journal

Sol, j'observais, sans penser à mal, les allées et venues des passants quand je m'aperçus que mon homme m'avait étroitement emprisonné la cheville droite sous son bras gauche. Je voulus,me dégager. Il serra plus fort. En même temps, armé d'une tenaille, il me déchiquetait méthodiquement le talon. C'était pour me vendre de force une semelle de caoutchouc. J'eus quelque peine à me dégager. Mais, sitôt libre de mes gestes, je manifestai mon légitime courroux en bottant vigoureusement le derrière de ce gnome audacieux. Aussitôt, vingt personnes nous. entourèrent, commençant à crier et à gesticuler. Coiffé, par malheur, d'un chapeau et non d'une casquette, j'étais à priori suspect de m'être mis dans mon tort. La République, aux yeux du bon peuple espagnol, n'est-ce pas le droit pour les petits de rançonner les gros et, plus exactement, la liberté de faire tout ce qu'on veut, dès l'instant qu'on est mal vêtu ? Car, ici, l'habit fait le moine. Il suffit d'une mise débraillée pour avoir le droit de se dire bon républicain et il n'y a rien de mieux qu'une vieille paire d'espadrilles comme certificat de civisme....