Extrait du journal
sait et souffrait comme moi. mais plus courageux il avait osé extérioriser sa rancir. Les visages plies, apeurés se lançaient des regards indignés, oh se haussait pour dominer ia foule afin de découvrir le coupable ; je fixais les yeux avidement cherchant à deviner le frère révolté qui. dénonçant le mensonge, avait délivré les battements douloureux de mon cœur de leur terrible oppression. Les fantoches ricanaient, et les représentants de l’ordre établi, en l’espèce lès gendarmes, scrutaient l’assistance avec méfiance, orgueilleux de leur autorité. Leurs recherches heureusement furent vaines, piteux ils déambulèrent, la face cramoisie île colère impuissante. Enfin les grimaces achevées l’embryon de peuple s’écailla dans les bistrots avoisinants, désireux d’oublier les émotions passées dans le toison des libations. Le soir surtout la fête nationale fut célébrée dans toute sa splendeur. Rien n'y manqua : pétards, lampions, illuminations, feux d’artifice, retraite aux flambeaux que suivirent en beuglant lus femmes échevelées, les hommes titubai! I. Chaque marchand de vins avait installé une buvette gratuite pour les pompiers et les musiciens qui buvaient, en hoquetant, d’innombrables rasades. La troupe sema des blessés sur son parcours et lu tambour fut retrouvé ronflant sur son instrument. Un liai favorisa les attouchements les plus licencieux, mâles et femelles dans la liesse abdiquaient toute pudeur, des plaisanteries obscènes s'entrechoquaient avec1 les verres. Des couples grisés par le tournoient de la danse et par le frôlement dus mains quittaient le bal en eaiimini, l' s yeux révulsés de désir et s’enfuyaient dans la plaine assouvir leur rut bestial, .le restais présente à cette débauche, en observatrice, songeant toujours à mon frère de pensée. Un groupe de jeunes nommes inconnus de moi, traversa la place. Guidée par une étrange impulsion je les suivis dischèrement. Bientôt je les entendis fredonner i" « Internationale ». cette fois je ne pouvais plus douter, nous avions des sentiment.-, communs, mais comment les aborder ? J’hésitais un peu, indécise, mais la solitude m’étant trop pénible je chantais avec eux. Etonnés ils s'arrêtèrent, leur incertitude fut de courte durée et d’un même élan ils ine tendirent leurs mains. C’étaient des anarchistes italiens employés dans les environs par un entrepreneur de maçonnerie. Notre difficulté mutuelle de bien nous comprendre s’aplanissait par la similitude de nus convictions et par la joie de lu rencontre, celui qui avait jeté l’anathème par’ait assez couramment le français, étant réfugié depuis l’avènement du fascisme. Mes nouveaux amis me confièrent leurs déboires. leurs soûl i rances ; l’un a eu sa mère martyrisée par les chemises noires et le frère de ce1 autre a eu les doigts coupés pur des valets mussoliniens. Tous durent s'enfuir alun de- su soustraire aux infâmes persécutions des bandits. Je lus entretins des défenses de Casio nu. de Bonomini, leur voix trembla, farouche, en évoquant les tourments de leurs camarades. tandis que partout le peuple se vautrait dans l’orgie fêlant ignoblement la prise de la Bastille royale, nous songions à ceux dont les plainh s se gravent dans les sables des bagnes ou sur les murs des prisons. Là-bas, la folie continuait en des hurlements furieux, mais l’amour qui nous unissait en chassait l'amertume. Des fêtards et des ivrognes passèrent, nous regardant avec curiosité, méprisant notre isolement, sans comprendre hélas ! loi crépuscule qui nous avait rassemblés s'assombrissait faisant place à la nuit, une nuit souillée par les salez.r;s humaines. Nous nous séparâmes, lorlui'és par le racisme régnant, mais l'âme i rassérénée par une tendre fraternité....
À propos
Le Libertaire ou « le journal des anarchistes » est un hebdomadaire lancé en France en 1895 – soit sous les Lois Scélérates - par Louise Michel et le militant Sébastien Faure. Pendant la Première Guerre mondiale, le journal paraît clandestinement. En 1945, le journal est présenté comme « l’organe de la Fédération anarchiste ». Le Libertaire bénéficie alors de contributions prestigieuses, telles que Georges Brassens, André Breton, Albert Camus.
En savoir plus Données de classification - trière
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