Extrait du journal

• Andrinople, 31 mars. Depuis deux jours et deux nuits, depuis Belgrade, nous commençons de frôler les douleurs qui sont la rançon des gloires d'Andrinople nous croisons les trains qui ramènent les blessés une suffocante odeur de phénol les annonce et traîne, dans les gares en sillage long temps après que les convois sont pas ses. Aux fenêtres des wagons, les blesses se pressent, pauvres tas de choses grises et brunes, capotes, couvertures, défroques d'hôpital par-ci, par-là un passepoil autour d'une casquette, une patte de couleur sur des épaules, qui rappellent l'uniforme. Et tous, ils ont, ces soldats, la' même figure cirée, comme avec du savon et de la mine de plomb. De cette confusion de linges, de hardes, de pansements, les masques hâlés des visages se détachent comme des figures d'iconostase. Les yeux ont des flammes qui étincellent; les bouches sont muettes. Pas de chants, pas de sourires. Ces 'hommes -ont" momentanément dépassé la minute où l'on peut se réjouir d'avoir bien fait et où un blessé vainqueur se distingue d'un blessé vaincu. Voilà le revers d'ombre....