Extrait du journal

Après ce que je viens de voir et d'entendre, durant la semaine écoulée; j'en arrive à, la ferme conviction que ce n'est pas là le plus important. Que vaut un pacte artificiellement conclu, « tiré par les cheveux > ? Il est destiné, comme tant d'autres, à sombrer dans l'oubli, s'il n'a pas été fait dans une certaine atmosphère, dans l'ambiance d'une voulu. N'avons-nous pas l'exemple d'une alliance formelle, contractée avant la guerre, qui, non seulement est tombée en désuétude, mais s'est même retournée contre ses bénéfiëiatees primitifs ? Il faut que le cœur y soit, il faut avant tout l'impondérable d'un climat amical. Et c'est bien le plus difficile, et ce n'est pas toujours à la portée des diplomaties, même les plus avisées. Or, ce climat, M. Barthou l'a pleinement réalisé en peu de jours, en véritable magicien. Par une modestie naturelle, 11 n'insistera pas beaucoup là-dessus, mais c'est à nous, observateurs et informateurs, de le signaler, ne serait-ce que pour en tirer d'utiles enseignements pour l'avenir. Sans doute, en rentrant à Paris, M. Barthou a-t-il pu dire « qu'il ne croyait pas, en rendant leurs visites aux gouvernements de deux pays alliés, qu'un voyage de /courtoisie prendrait, à. un tel degré, le caractère d'une négociation politique C'est vrai, l'on a négocié, à Varsovie, notamment, au sujet de la convention militaire franco-polonaise de 1921 et du rôle, désormais dévolu à la Pologne, dans l'Est européen et à Genève. Mais, dès le premier jour, avant même que ne fût entreprise cette nécessaire besogne, la partie était nettement gagnée. Le premier contact entre le ministre de l'union nationale et les dirigeants de la Pologne a suffi, j'en suis sûr, pour effacer des années d'inquiétude d'une part, d'erreurs ou de négligences de l'autre. J'en ai eu la sensation presque physique, le soir du 22 avril, à la réception offerte par M. Beck. A l'entrée des salons, M. Barthou, la poitrine barrée de l'ordre de l'Aigle blanc, accueillait, comme il se doit, les visiteurs, ayant à sa droite Mme Beck, et à sa gauche le ministre des affaires étrangères de Pologne, qui portait les insignes de la grand-croix de la Légion d'honneur....