Extrait du journal

Il est regrettable, me disait-il, pour cette dame, accusée de tentative d'empoisonnement sur la personne de son mari, qu'elle n'ait point connu la loi de' 1838 sur le régime et l'internement des' aliénés. La connaissance de cette loi lui eût certes évité la fâcheuse alternative! d'un long emprisonnement, et lui eût permis, plus sûrement qu'avec des poisons et sans encourir les foudres de,la; justice, de supprimer l'époux gênant. » Vous n'ignorez pas, continua mon ami, que lés dispositions de cette loi ad-, mirable donnent au médecin au premier venu' des' médecins un'pouvoir, bien supérieur à celui de l'autocrate le plus absolu. Que par intérêt, par haine, ou pour ;Wu-te- autre raison, il*- prenne; demain fantaisie à l'un 'de vos -proches ou de vos intimes d'inviter un docteur à venir constater que votre état mental a subi quelque dérangement qu'à tort ou à raison, à la suite d'un superficiel examen, ce même docteur vous découvre quelque innocente manie et fasse foi de sa découverte sur un certificat dûment paraphé par lui, il sera loisible à votre proche ou à votre intime de vous faire incarcérer sur-le-champ au fond d'un asile d'aliénés, sans autre forme de procès.. Vous pourrez protester, crier, chercher à démontrer votre bon sens, votre voix restera sans écho. Vos parents et vos amis pourront s'indigner, unir leurs protestations aux vôtres, tout sera inutile, et leurs démarches demeureront sans effet." A moins d'un miracle, votre condamnation perpétuelle sera irrémédiable.. Grâce à la complicité consciente ou inconsciente du médecin, grâce aussi, à la complicité de la loi, celui dont vous gêniez les combinaisons d'intérêt aura pu, par les formes lès plus légales, vous retrancher à jamais du monde des vivants....