Extrait du journal

Kouropatkine, un brave grognard énergique et entêté, le type accompli de ce que. vous appelez en France une vieille culotte de peau, l'officier de fortune qui défend sa place, qui sait mieux, obéir que commander, qui évite tout ce qui pourrait être un prétexte à disgrâce, qui se garderait d'avoir la moindre initiative, de tenter la- moindre réforme, ,quia gravi lentement, lourdement chaque échelon, comme quelque ours bien dressé, ét ne nous inspirerait qu,une confiance relative s'il fallait jouer enfin la grande partie, si ees mafots japonais prétendaient se mêler de nos affaires en Corée, faisaient trop les méchants, après avoir trop fait les malins. Il débuta par un coup de veine. C'était pendant la campagne du Turkestan. Quoique médiocrement noté et peu protégé, il avait réussi, force d'obsessions et d'intrigues, à se faufiler dans, l'état-major de Skobeleff, et cet impulsif, ce violent, qui: abhorrait les: arrivistes autant que les médiocres, résolut aussitôt de se débarrasser de l'intrus, lui confia une de ces missions où l'on a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent d'être tué. Kouropatkine ne sourcilla pas, endossa les vôtemenls d'un prisonnier, partit droit de'vanl soi, en reconnaissance, et. il faut croire qu'il avait la chance pour lui, qu'il savait se terrer comme un renard et ramper comme une belette, car, au bout d'une semaine, alors qu'il était déjà porté parmi les disparus, il revint au camp, hâve, méconnaissable, tremblant la fièvre, le visage et le corps en lambeaux, et apporta les renseignements, sur quoi son général n'avait jamais compté. Vous pensez comme celui-ci en fut retourné, .et de quelles faveurs il le combla dans la suite. Tout dans la. vie, de même qu'aux courses; dépend d'un bon départ....