Extrait du journal

Que reste-t-il de ce carnaval de la fraternité, après cent jours de régime parlementaire ? Une ville prise d'assaut, des inaisons criblées de balles, des casernes éventrées par la mitraille, les rues pleinés de soldats et de convois d'artillerie, les hôpitaux pleins de blessés, une cour martiale derrière laquelle se cache un parti politique chassé par la force et rentré par la force, les séditions militaires greffées sur les discordes civiles, un déchaînementde haines, de vengeances, de persécutions, et, devant mes yeux, ce triste et froid palais de Dolma-Bagtehé, dentelle de marbre imaginée par un souverain atteint du mal de la pierre, où les dépouilles du sultan d'hier s'entassent confusément pour donner au sultan de demaiù l'illusion de la puissance et de la dignité. Avouez qu'il y a de quoi justifier amplement l'état d'âme singulier, fait de vague crainte, d'anxiété, d'incertitude de l'avenir, qu'a laissé dans Constantinople la fin du bourreau couronné. Et d'abord, est-il vraiment fini ? La sanglante tragédie de .son règne et jusqu'au drame vibrant qui l'a clos exercent une telle pression sur les nerfs de la capitale, que toutes les imaginations en sont obsédées. Son successeur a reçu l'investiture son chiffre remplace déjà celui d'Hamid H sur les portes des casernes et sur les actes publics mais oh dirait que rien n'est changé, que le sultan est toujours le farouche et rusé châtelain de Yildiz, et que de la vieille larve de Rechad, Mahomet V n'est pas sorti. Il est si peu de chose dans cette heure formidable...