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Le Matin, 8 avril 1885

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Le Matin
8 avril 1885


Extrait du journal

M. Ferry avait une majorité qui le soutenait avec furie. Il lui faisait accepter tout ce qu'il voulait. Il lui a fait croire qu'un de ses prédécesseurs avait bien fait de repousser dédaigneusement le traité Bourée, ce même traité auquel on s'estimeheureuxderevenir;etilluia persuadé en même temps de donner quelques milliers d'hommes et de dépenser beaucoup d'argent pour conquérir par la force des armes ce que le traité Bourée nous donnait pour rien. On disait à M. Ferry qu'il demandait trop peu, et que ce semblant d'armée se ferait écraser « Non, disait-il, ce peu me suffit. » Et bientôt, ce peu ne suffisant pas, il revenait à la charge sans lasser, pour cela, sa majorité. Quand il fut, par tant devotes et de bulletins successifs, bien constaté qu'il faisait la guerre;-car enfin, tirer des coups de canon, raser des forteresses, lancer des torpilles, couler des navires et publier périodiquement des listes de tués et des listes de blessés, cela s'appelle, dans la langue courante, être en état de guerre, l'opposition l'accusa de violer la Constitution et la volonté nationale. « C'est bien la peine d'être en République, s'écriait M. Clémenceau, si nous faisons la guerre malgré nous » M. Ferry, sûr de sa majorité, n'en faisait que rire. Il inventait des néologismes pour expliquer que ces batailles sur terre et sur mer n'étaient que des formes nouvelles de l'état de paix. La preuve que nous ne sommes pas en guerre, disait-il à sa majorité, c'est que vous seulpouvez déclarer la guerre. Eh bien, je :vous le demande, l'avez-vous déclarée? «C'est vrai, disait la majorité nous sommes en pleine paix, puisque je n'ai pas déclaré la guerre. Et aussitôt, elle votait des régiments, des cuirassés et des millions avec beancoup de sécuritéet d'enthousiasme. Elle disait à son ministre « Vous êtes un grand ministre 1 Vous êtes à la vérité fort heureux d'avoir rencontré une majorité si intelligente; mais elle vous doit beaucoup de son côté et sans vou s,-elle n'aurait jamais écrasé la Chine et fondé l'empire colonial. »...

À propos

Lancé en 1883 sur le modèle du quotidien britannique le Morning News, Le Matin se revendiquait être un journal novateur, « à l’américaine ». Son directeur Alfred Edwards entendait donner « priorité à la nouvelle sur l’éditorial, à l’écho sur la chronique, au reportage sur le commentaire ».

 
 
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