Extrait du journal

POLITIQUE PRATIQUE Enfin, nous avons eu. une bonne journée, mais tout à fait bonne, et qui nous a consolés de cette lamentablesemaine. Ce n'est pas uniquement, vous m'entendez bien, l'expulsion deM. Le Hérissé qui a fait la joie de la séance, mais elle n'y il pas nui, et déjà cette petite scène tout à fait drôle avait mis tout le monde en bonne humeur. Mon Dieu, oui et je ne suis vraiment pas fâché d'avoir vu cela Je m'en étais toujours tenu, en fait d'expulsions, au souvenir de Manuel; je revoyais cette scène comme elle dut être, grandiose et émouvante, l'orateur à la tribune, pâle, farouche, la mine fière, devant lui ses amis, prêts à le défendre, un peu partout les adversaires ardents, montrant le poing, et, dans le fond du tableau, un vicomte de Foucault, résolu, raide comme la justice. J'en suis joliment revenu. Ou plutôt non, car la comparaison serait injurieuse, injurieuse pour le passé, bien entendu. J'aime mieux croire qu'il y a expulsion et expulsion, l'expulsion tragique et l'expulsion gaie. Vous pensez bien qu'entre les deux les boulangistes n'hésitent pas; ils sont pour l'expulsion gaie. Si ces gaillards-là nous font jamais mourir, ce sera de vire[ 1 Déjà., l'autre jour, M..Laguerre avait levé le rideau un pur vaudeville, joué devant les banquettes avec quelques droitiers, pour -figurants, et vous n'imaginez pas l'effet, à la tribune, de- cet orateur qui ne parlait plus, s'enmesurer que le temps s'écoulait., fatigué sur ses jambes au point que ses amis de la Droitelui passaient des. tabourets, voyant venir avec effroi le moment terrible où, tout le monde étant parti, il resterait lù, sans diner.. Ah i que M. le président Méline a donc été bon de lui faire savoir que la séance ne serait pas reprise! Il aurait passé la nuit, et l'aurore abasourdie l'aurait trouvé là, réclamant avec énergie un chocolat ou un doigt d'eau-devie pour tuer le ver. C'est bien dommage! Mais l'autre expulsion a été la plus joviale: c'est Le Hérissé qui a eu le pompon, cet excellent Le Hérissé, mal nommé, qui est rond comme une pomme et sur qui on a dû lancer le brave colonel Ellie qui, lui, est un faux maigre. Il était si content, ce bon Le Hérissé; il regardait en l'air, les yeux tout brillants, car il avait du monde dans les tribunes, et quand ses amis lui dirent « Voilà les soldats! », sa bonne figure s'épanouit, et on voyait qu'il s'amusait,mais là! qu'il s'amusait bien. C'est toujours si agréable à voir un homme heureux! On assure même qu'en sortant, après en avoir appelé très gentiment à la postérité, il voulait, comme un brave enfant qu'il est, payer la goutte aux soldats. 'Le règlement, malheureusement, s'y opposait, mais c'est tout, de même une idée que n'avait pas eue Manuel, qui était- décidément un expùtsê de mélodrame...