Extrait du journal

Interrogez un entrepreneur de spectacles. Il vous dira « L'étoile, c'est le fléau de notre métier. Nous devons lui donner plusieurs centaines de francs par soirée et lui assurer une cinquantaine de représentations. Si nous ne voulons. pas déposer sous peu notre bilan,,nous sommes obligés de l'entourer d'acteurs et d'actrices médiocres. L'étoile y consent volontiers., Elle ne tient nullement aux partenaires* illustres qui pourraient nuire à son rayonnement. N'est-elle pas l'étoile ? Elle doit par conséquent briller dans > l'obscurité. » i Lés auteurs dramatiques gémissent W L'étoile, c'est la mort de notretart. Il nous faut l'implorer et lui soumettre nos manuscrits. Elle exige des modifications. Elle examine attentivement l'âge du personnage qu'elle doit représenter, ses opinions politiques, sa philosophie, les sympathies" qu'il peut inspirer au public. rL'étoile estime toujours que son rôle est trop long parce qu'il est dur d'apprendre de la prose et qu'il n'est jamais assez important. Elle exige plus d'effets ses répliques seules doivent contraindre le spectateur à éclater de rire ou à fondre «n larmes. Elle n'admet pas que nous lui proposions des scènes qui diffèrent de celles .qu'elle joue depuis vingt ans. Notre héros ou notre héroïne doit ressembler à tous les héros et à toutes les héroïnes que l'étoile a incarnés. Elle a son genre, son étiquette, et il ne faut pas que notre originalité déconcerte ses admirateurs. C'est elle, ce n'est pas nous qu'ils tiennent applaudir. Ils acclament l'interprète et, le plus souvent, ils ignorent le nom de l'écrivain. Un étranger pourrait croire que ces deux mots artiste dramatique, désignent l'auteur....