Extrait du journal

Bref, les voyageurs en uniforme qui, au début de l'année 1919, se massaient par ce soir d'hiver si doux sur le pont du Sherman étaient difficiles à étonner, à émouvoir. Pourtant, lorsque parut la côte dentelée ^et fleurie de la reine des îles Hawaï, lorsque se fit entendre le ressac, puissant et tendre comme une éternelle incantation, sur le récif de coraux invisibles, lorsque le soleil cou'chant fit glisser sur les crêtes des lames amples et cadencées ses derniers rayons vivants, pareils des vipères d'or rouge, un soupir profond, pathétique, élémentaixe, souleva les poitrines de tous ceux qui naviguaient sur le Sherman vers des destins obscurs et rudes. Que de tendresse refoulée, quel Inconscient aveu, que d'humanité vraie dans cette minute d'abandon collectif Nous avions navigué de longs jours, entre hommes, sans une présence féminine à bord et soumis à la plus stricte discipline (d'ailleurs volontiers acceptée)'. Et soudain n^us aperceviotis, au forid-d'uB iolr ;afrftië dés; mille. nuances touchantes que peuvent composer, le ciel, la mer et la lumière dans un çrépusculé tropical; précédée par les parfums et les baumes de sa terre; de ses arbres, de ses fleurs; nous apercevions une ville dont le seul nom a la vertu, dans le monde entier, d'un philtre ardent et doux et d'une volupté sans heurt, ni violence, ni mesure....