Extrait du journal

« Autre chose? répliquai-je à mon directeur, vous voulez autre chose? Que vous raconterai-je bien, mon Dieu? Il me dit « Allez vous promener! Les sujets d'articles courent les rues. Arrêtez l'un d'eux au passage et me l'amenez tout de suite. » Mon directeur m'a dit: « Allez-vous promener », comme il m'eût dit « Allez pêcher à la ligne. »,Un journaliste qui se promené ou.qui pêche à la ligne est un homme qui travaille. Aussi, j'aime ce métier, bien qu'il ait de fichus quarts d'heure. Je m'en fus donc par les boulevards. L'été n'a point fini et l'hiver n'a point commencé. Il fait frais, et le soleil est déjà pâle. II n'est plus doré, il est blond, et l'on peut le regarder presque en face. Il fait sain, et la buée qui sort de vos lèvres est déjà visible comme de la fumée de cigarette. On ne bat point encore la semelle, mais on met des gants pour sortir. C'est une saison que je préfère à toutes, et les trottoirs sont délicieux. C'est le renouveau de Paris. Les plaisirs de l'hiver y font toilette neuve. Les. théâtres vont ouvrir; on affiche les étoiles de la saison, et les murs des music-halls se recrépissent. Vos amis reviennent, des champs ou de la mer et vous racontent de brèves histoires entre deux poignées de matin. Les potins recommencent courir les terrasses, et sous la voilette, les dames qui passent ont la coquetterie frileuse....