Extrait du journal
:̃ Moi, dit un camarade qui portait sur la poitrine une croix toute fraîche, moi, c'est bien simple j'ai éprouve V exactement la même sensation qu à ta chasse, quand, l'arme au poing, on attend la bête vous savez, cette espèce d'angoisse qui vous serre la poitrine f-t vous tient haletant. Nous étions sur une légère hauteur dominant l'Yser, dans une tranchée bien comprisse et bien dissimuiée, avec un vaste champ de tir devant nous. Mes deux mitrailleuses étaient dans un excellent emplacement, balayant tout le débouché de la rivière, et j'avais soigneusement repéré toutes mes distances. Au petit jour, on vint nous prévenir d'avoir à nous tenir sur nos gardes, car on s'attendait à une forte attaque. L'ordre ajoutait Ne pas, ouvrir le jeu avant que l'ennemi soit à B00 mèlres. C'est au reçu de ce billet que je commençai à ressentir au creux de l'estomac cette petite anxiété qui vous prend quand, sous bois, on vous a /t assign6 vus places et qu'un coup de J trompe vous a annoncé l'ouverture de la battue. La jumelle rivée à l'œil, je fouillais du regard, en face de nous, les fossés, les herbes de la rivière. Je 'ne faisais même pas attention aux obus qui passaient en rafale au-dessus de nos têtes. Tout mon être était concentré sur le bout de plaine que j'avais devant moi. Soudain, ce morceau de plaine parut -'animer, ses replis parurent se soulever. Des ombres s'agitaient dans le bois, d'autres rampaient le long du sol. A ce moment, ie ressentis une autre émotion bien connue du chasseur, celle qui consiste, après une longue attente, à voir venir à soi le gibier mais tandis que chez le chasseur l'émotion est de brève durée, parce que de suite il épaule et tire, la mienne se prolongea intense et lancinante, parce qu'il me falk' lait attendre, immobile. Derrière les ombres, des groupes compactes apparurent, et derrière les groupes une avalanche surgit c'était toute une masse d'infanterie allemande qui se ruait à l'assaut. Jamais je n'aurais cru qu'il pût sortir tant d'hommes et si vite d'un bois. Je commandait « Feu » et une salve partit de toutes les tranchées, tandis que mes mitrailleuses commençaient leur lo/p-tap-lap. Il y eut dans les lignes grii. Res qui zébraient la plaine comme un i fléchissement, et distinctement on voyait les hommes s'abattre. Mais d'autres continuaient et d'autres sortaient toujours du bois. Alors ce fut une frénésie de tir et un ouragan de feu, toujours comme quand, à la chasse, le gibier part de tous les côtés. et qu'on voudrait avoir dix fusils dans les mains. De crainte. pas l'ombre; mais une idée fixe, unique: « Pourvu -qu'il n'y ait pas d'enrayage aux mitrailleuses » Elles tiraient toutes deux à la cadence maximum et leurs canons devenaient violacés, tandis que, sous la poussée des gaz, les étuis vides s'éjectaient avec violence et nous sautaient au visage. Le chargeur...
À propos
Lancé en 1883 sur le modèle du quotidien britannique le Morning News, Le Matin se revendiquait être un journal novateur, « à l’américaine ». Son directeur Alfred Edwards entendait donner « priorité à la nouvelle sur l’éditorial, à l’écho sur la chronique, au reportage sur le commentaire ».
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