Extrait du journal

L'antisémitisme, cette conception géniale des jésuites, du parti prêtre, n'est qu'une habile combinaison du nationalisme boulangiste et du cléricalisme. Michelet l'a dit, avec ses vues profondes, chaque fois que l'Eglise s'est sentie menacée dans ses privilèges, dans sa domination, dans ses richesses, elle a cherché un dérivatif et elle s'est ingéniée à détourner contre les juifs les sentiments, les revendications populaires. Déchaîner les passions socialistes contre les juifs pour sauver le capitalisme chrétien, la ploutocratie asservie à l'Eglise, tout le mouvement antisémite est là. Tout naturellement, l'antisémitisme s'est doublé du cabotinage patriotique, comme dit M. Henry Bérenger. L'affaire Dreyfus, pour cette misérable exploitation de l'idée sacrée de patrie, est arrivée à point. Les dates sont là. On se rappelle les articles publiés par la Libre Parole contre les officiers Israélites. On n'a pas oublié ce défi porté au nom des épées françaises contre les épées juives. C'était aller un peu vite, c'était trop se presser. L'opinion publique, qu'on n'avait pas encore assez travaillée, avait regimbé. La foule n'avait pas suivi. Puis était venue la mort du capitaine Mayer, tué en duel par le marquis de Morès. Quelque temps après, un autre officier israélite, le capitaine Crémieu-Foa, abreuvé de dégoût, outragé par des drôles sortis de la rue des Postes qui s'étaient mis dix contre un, s'en allait au Dahomey donner sa vie pour la France et pour son honneur. Il y avait eu en faveur de ces nobles jeunes hom-' ̃ mes un mouvement de sympathie. L'antisémitisme subissait un recul. Il fallait frapper un coup, et un grand coup. C'est alors que le colonel B. un ami du mar. quis de Mores, prononça ce mot abominable « Il y a un Juif à l'état-major. Ne cherchez pas ailleurs c'est le traître! » Là est la clef de l'affaire Dreyfus....