Extrait du journal

J'ai connu un temps où toute une jeunesse studieuse et cagneuse ne caressait qu'un rêve: entrer dans l'administralion. A quinze ans, l'on soupirait « Quand je serai receveur de l'enregistrement et le jour du concours poy le surnumérariat des postes et télégraplues était, après celui de la première communion, le plus beau jour de la vie. Je me souviens, monsieur, d'avoir vu, pour trois places de rédacteur au ministère des finances, cent candidats. Et cent candidats pour trois places, concevez-vous bien ce que céla représente ? Cela représente quatre-vingt-dix-sept « recalés », quatre-vingt-dix-sept jeunes gens qui pendant quatre ou cinq ans n'auront eu d'autre occupation, d'autre pensée, d'autre raison d'être que de préparer « leur » concours, qui ne trouveront nulle part ailleurs l'emploi de leurs talents inutiles, qui ne revivifieront jamais Lurs facultés atrophiées et qui resteront dans la vie comme d'impressionnantes épaves pour attester la grandeur de recueil où ils auront échoué. Quel prestige, monsieur, pour moi!...