Extrait du journal

Mais il a retenu ses larmes, de peur qu'elles ne l'empoisonnent en pénétrant dans sa bouche. C'est bien monsieur, rentrez cela, rentrez cela, les pleurs ne sont pas permis à tout le monde et il faut réserver cette faculté sainte aux femmes, aux mères, qui sanglotent à cette heure sur leurs époux, sur leurs fils, étendus là-bas sans sépulture, à trois mille lieues de la patrie. Car c'est son œuvre à lui, son œuvre sinistre, cette guerre où nos héroïques soldats, combattent un contre cent, cette guerre où sur le champ de bataille on manque de munitions, cette guerre sauvage où l'on ne fait pas de prisonniers, et où l'on appelle « disparu », c'est le langage officiel, quiconque tombe pour être aussitôt achevé. Et il y en a comme cela, trois, quatre mille morts en moins d'un mois, les plus braves en,tre tous, puisque c'étaient des volontaires et que d'eux-mêmes, ils étaient'partis pour défendre ce ;qu'ils croyaient la fortune de la France; trois, ¡quatre mille qui resteront sans sépulture, qui resteront couchés sans une croix bénie sur leur fosse, comme ils sont tombés, sans une prière du prêtre à leur oreille consolée! Trois ou quatre mille dont le sabre a coupé le cou, et dont les têtes ensanglantées servent à cette heure, de drapeaux humains au bout des piques ensanglantéés et victorieuses!...