Extrait du journal

LES ÉVÉNEMENTS D’ESPAGNE par Léon BLUM A L’ATROCE drame espagnol on ne pouvait guère imaginer de plus atroce dénouement : une nouvelle guerre civile éclatant soudain à l’intérieur de la guerre civile ; les républicains divisés et déchirés contre eux-mêmes ; le dernier espoir de paix réelle rompu et saccagé, car une victoire sans mesure, sans pitié, sans justice, comme celle qui est désormais assurée à Franco, ne sera pas la paix réelle. Comment pourrions-nous prendre parti vis-à-vis de ces suprêmes con vulsions de la résistance républicaine ? Les faits ne sont complètement éclaircis pour nous ni dans leurs causes ni dans leur caractère Nous ne pouvons pas appliquer la règle simple et commode que nous fournirait notre devoir de solidarité internationale : c’est-à-dire nous guider sur nos camarades du parti socialiste espagnol, sur nos amis d’aujourd’hui et d’autrefois, car les divisions et les déchire ments les ont atteints eux aussi. Nous sentons assez clairement, à leurs paroles comme à leurs actes et à leurs silences comme à leurs paroles, qu’ils n’ont pas réagi de la même façon vis-à-vis des événements qui ont suivi la chute de Barcelone. Jusqu’à ces dernières semaines, une personnalité maîtresse, celle de Negrin, avait tout dominé, tout absorbé, y compris les conflits intérieurs de la coalition républicaine et du parti socialiste. En Negrin, s’incarnaient l’idée de la République, l’idée de l’unité nationale, l’idée de la lutte pour la liberté et pour l’indépendance de la Patrie : c’est ce qui impose le respect, ou qui devrait l’imposer à quiconque conserve le sens de l’hon neur républicain; c’est ce qui fera la grandeur de son nom devant l’his toire. Mais un pouvoir absolu, comme celui que les circonstances l’avaient obligé à assumer peu à peu, ne résiste pas indéfiniment au mauvais sort, et, quand il est atteint, tout s’écroule à la fois. Les divisions latentes sur gissent, les oppositions comprimées éclatent. Un moment devait venir où Negrin n’apparaîtrait plus, même à beaucoup de ses compagnons, comme le chef le plus capable de négocier la paix réelle ou de l’imposer par la menace d’une résistance désespérée. Mais, hélas ! personne n’en était ca pable après lui. Sa chute a laissé, et devait laisser, la République vacante. Voilà comment je me représente, pour ma part, la suite des événe ments. Mais si je m’abstiens à dessein de tout jugement, je puis bien me permettre un vœu. C’est Franco qui refera l’unité intime du socialisme et du syndicalisme espagnols. C’est Franco qui rétablira l’unité d’action entre socialistes, républicains, communistes et anarchistes. Dès demain, à moins que les gouvernements anglais et français ne parviennent enfin à arracher à Franco une promesse humaine, ce sera pour eux l’unité des représailles. Tous se retrouveront égaux et frères devant les cours martiales, les exécu tions sommaires et les proscriptions. Puis, dans la suite des temps, à me sure que se manifestera la réalité du régime, tous se retrouveront encore unis, également et fraternellement unis, pour reconquérir l’indépendance et la liberté de l’Espagne. La réconciliation leur sera imposée par Franco, si elle n’est pas volontaire. Puisse-t-elle être volontaire ; puisse-t-elle ne pas se reculer jusqu’à un jour trop lointain ! Voilà mon vœu qui est assu rément celui de tous les socialistes de France, et aussi, j’en suis sûr, de tous les républicains français. •HMUIMIlllllllllllMHIIIIllllllllllllllimimillllllllllllllllMIIIIIIMIIIIIIIIHHHIM» Hommage à un combattant...