PRÉCÉDENT

Le Midi socialiste, 28 juillet 1939

SUIVANT

URL invalide

Le Midi socialiste
28 juillet 1939


Extrait du journal

Les conditions de la paix stable par Léon BLUIVI. ANS son dernier article de L’Europe Nouvelle, Pertinax aborde à son tour un débat dont il reconnaît l’importance. « De vrions-nous, dit-il, distinguer, le cas échéant, lorsque la paix sera reconstruite, entre la responsabilité du Führer et la responsabilité de la multitude qui lui a emboîté le pas ? Devrionsnous charger le Fûhrer de tous les péchés de la politique allemande de 1933 à 1939 et octroyer notre confiance à une nouvelle république de Weimar; ou devrions-nous, par contre, juger que le peuple alle mand est, par lui-même, une cause permanente de commotions et de désastres mortels pour notre civilisation et, en conséquence, es sayer de le mettre pour toujours à la raison par des morcellements et des restrictions de souveraineté, par de larges amputations territo riales ? » Ayant ainsi posé le problème, il indique la solution qu’il prétend opposer à la fois à celle de M. de Kerillis et à la mienne. Ni républi que de Weimar, dit-il, ni séparatisme. L’origine du péril germanique est, selon lui, « dans la juxtaposition d’une Allemagne maniant avec habileté tous les instruments de la civilisation matérielle et de popu lations slaves encore trop faiblement coulées dans le moule national ». La clé de l’apaisement durable, la fin du pangermanisme doit donc être recherchée dans la consolidation des Etats slaves de l’Europe centrale et orientale et dans une puissante et durable solidarité qui lierait l’Europe occidentale avec eux. Pertinax ajoute que « l’erreur capitale des traités de 1919 fut de n’avoir réalisé cette solidarité que sous les espèces fragiles de la S.D.N., de n’avoir pas organisé d’alliance compacte propre à défier la conquête impériale ». J’examinerai dans un instant la thèse de Pertinax, mais je me permets de penser qu’il se tire un peu aisément d’affaire avec la mienne. C’est la fausser ou la borner que de l’inclure dans la formule « confiance à une république de Weimar ». Je ne professe pour la république de Weimar aucune admiration particulière. Je n’ai jamais essayé de dissimuler les fautes commises par les démocrates et les socialistes allemands. J’écrivais avant-hier encore — je le rappelle en passant à Buré — que la faiblesse de la république eut en partie pour cause, d’une part, l’absence de sentiment ou plutôt de besoin démocratique en Allemagne; d’autre part, la permanence des anciens cadres impériaux que la social-démocratie au pouvoir n’eut pas la hardiesse de soumettre à une destruction révolutionnaire. Je sais tout aussi bien que Buré que le soutien de ces anciens cadres impériaux est à l’origine des premiers succès du racisme. Ma concep tion d’une Europe en paix ne repose donc en aucune manière sur une résurrection de la république de Weimar telle qu’elle fut ou sur un recommencement de l’histoire de l’Allemagne telle qu’elle se déroula de 1918 à 1933. Je demande si l’on veut avec nous créer en Europe une paix du rable. J’affirme qu’une paix durable ne peut pas reposer sur des dé membrements, des amputations, ni surtout sur des annexions, et là-dessus j’ai le droit de renvoyer Buré aux leçons de son « vieux maître Clemenceau », dont la pensée à ce sujet fut constante. Alors j’en conclus que si l’on écarte la possibilité d’une régénération dé mocratique et pacifique en Allemagne, il faut renoncer du même coup à tout espoir d’une paix durable en Europe. Moi, je n’y renonce pas. Si la république de Weimar ne me parait pas un exemple et un modèle, je tire pourtant de son histoire impartialement interprétée des éléments qui fortifient mon espoir. J’espère que l’épreuve hitlé rienne, bien autrement intolérable que le régime impérial, a éveillé dans le peuple allemand le sentiment et le besoin de la démocratie. J’espère que les républicains et les travailleurs allemands protité raient, le cas échéant, de l’expcrience acquise, J’espère que les démo craties occidentales en profiteraient de leur côté pour se garder des fautes passées. J’espère qu’au lieu de compromettre et d’affaiblir la république allemande on la consoliderait par une organisation pré voyante et hardie de la communauté européenne. J’espère en un mot qu’on saurait intégrer une véritable démocratie allemande dans une véritable démocratie internationale. Hors de là, je n’aperçois pas de salut pour la paix, j’entends la vraie, la paix équitable, la paix durable, la paix indivisible. Et je ré ponds à Pertinax qui se présente maintenant avec son système : oui, je vous entends bien, mais votre paix à vous ne serait pas la paix. Vous imaginez, au lendemain d’une guerre victorieuse, la consolida tion des Etats slaves du centre et de l’est, la constitution d’un bloc d’klliances compactes agglomérant ces Etats entre eux et avec les démocraties occidentales. Cela, ce serait l’Europe restant sur le pied de guerre au lendemain des traités. Qui vous garantirait d’ailleurs la solidité de ce bloc ? Au lendemain du traité de Versailles, qui aurait prévu la dissociation interne de la Petite Entente, qui aurait pu sup poser que la Pologne et la Tchécoslovaquie, Etats slaves toutes deux, dussent s’opposer si promptement l’une à l’autre ? D’autre part, 1 Eu rope étant ainsi partagée en camps armés, comment pourriez-vous vous assurer que le bloc anglo-franco-slave gardât indéfiniment la sujférioritô des forces? Ce sont là des calculs dans lesquels on se trompe quelquefois. Il y a sept ou huit ans, j’entendais des techniciens consi dérables s’opposer au désarmement général parce qu’ils entendaient conserver une « marge de supériorité suffisante » sur une Allemagne même réarmée ! Non, ce n’est pas à ce sort qu’on peut destiner l’Europe. Autant que personne j’ai souhaité depuis tantôt cinq ans la conclusion des pactes défensifs. J’y ai travaillé de mon mieux. J’y travaille encore. Je les crois indispensables au salut présent. Mais je n’y ai jamais vu qu’un moyen de prévention gt de protection contre la guerre. Ce moyen doit être employé à plein, à fond, aussi longtemps (pie du rera le danger. Mais je ne pourrais pas m’accorder avec Pertinax s’il s’agissait de le transformer en une condition permanente de la paix, on un mode du statut permanent de l’Europe. La paix stable comporte la sécurité collective étendue à tous, le désarmement commun à tous, la pleine coopération économique de tous les peuples. Elle ne pour rait pas reposer sur la division continuée de l’Europe mais bien au contraire sur un premier travail d unification....

À propos

Lancé en 1908 sous le patronnage d'A. Bedouce, député SFIO, Le Midi socialiste était un quotidien de gauche édité à Toulouse. En 1910, Vincent Auriol en devient le rédacteur en chef. Malgré ses vélléités de grand quotidien régional, Le Midi socialiste se vendait essentiellement dans Toulouse même, où son tirage était par ailleurs relativement faible.

En savoir plus
Données de classification
  • paul reynaud
  • pertinax
  • daladier
  • geor
  • provence
  • jean jaurès
  • vauquelin
  • hull
  • pierre gerard
  • léo lagrange
  • europe
  • weimar
  • allemagne
  • japon
  • alsace
  • buré
  • angleterre
  • france
  • washington
  • rivoli
  • la république
  • caisse nationale de crédit agricole