Extrait du journal

— Dieu ne le veut pas. Croyez-moi, ne nous dérobons ni l'un ni l'autre à ce rude devoir, quelque cruel qu'il soit, nos consciences trop délicates en souffriraient au point de tuer notre bonheur, peut-être notre amour !... Tandis que loin par lé fait, mais si près par le cœur, ayant fait ce que nous devions faire, qu'est-ce qui pourra détruire en nous la pen sée, le souvenir, l'éternelle tendresse 1 Ma sainte mère prétend qu'à l'encontre des autres coupes, celle du sacrifice a l'amertume au bord et le miel au fond. Peut-être a-t-elle raison.. . — Oh ! moi, Madeleine, vivrais-je mille ans, je ne vous oublierai jamais, je vous aimerai tou jours de même, je vous regretterai avecle même désespoir. Mais vous, vous aurez une famille. Elle l'interrompit avec une vivacité qui n'était pas en elle d'habitudéf — Je ne me marierai jamais, dit-elle. Puis, étreinte sans doute de quelque mys térieux pressentiment, elle ajouta : — A moins que quelque impérieux devoir ne me commande de le faire, ainsi qu'à vous, Richard. Mais rassurez-vous, mon cœur n'aura jamais deux maîtres. Son courage était à bout, elle chancela. Maurice la reçut dans ses bras. —'Retourne dans les salons, dit-il à son fils, moi je reste avec Madeleine. Il vaut mieux qu'il en soit ainsi. On ne doit pas remarquer notre absence, et si on venait par ici, de me trouver avec elle ne peut provoquer les commentaires de per sonne, va, mon petit, va, je te demande ce dernier sacrifice, pour elle, la pauvre enfant qui n'en peut plus; pour moi, que vos souf frances tuent. Richard n'osa pas résister à cette prière; d'autant plus que Madeleine, pâle comme une morte, paraissait sur le point de ren.drel'âme, et que la voir dans cet état le rendait fou....