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Le Petit Journal, 11 décembre 1904

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Le Petit Journal
11 décembre 1904


Extrait du journal

rien. .V'Là Jeannine trayait trois fois par jour sa chèvre ; je buvais du lait taût que je voulais, mes dents.croquaient à même le pain, de .seigle. Et. j'appelais toujoursla Jeannine « maman », puisque je n'en avais pas connu d'autre... C'est-y que je vous ennuie, mon capitaine? l_ Non, non. Parlez, mon garçon. , — A; quatre ans, j'ai pu me rendre utile, On,allait tous deux, dans les bois,; ramasser les branches mortes. Je faisais' des petits tas, et ma mère faisait les fagots... Par la suite, j'ai débarrassé le» blé des mauvaises herbes ; j'ai appris à lier une gerbe, à sarcler, a , râteler les foins... si bien qu'à dix ans je savais tout faire... r , Et, une fois mes classes finies (car j'ai été à l'école, jusqu'à treize ans),, j'ai, cherché à gagner de l'argent; Onr m'a payé d'abord mes journées dix sous, puis ' yingt, puis trente: A seize ans, j'avais la journée d'un homme, et l'on me donnait la préférence. Je n'avais; aucùn mérite à travailler, vu la joie et l'orgueil que la besogne me procurait. Chaque fois'que j'apportais des sous, ma mère en pleu rait, tant elle m'était affectionnée. 1 On se nourrissait mieux; Dans la soupe, on mettait Un bout de lard. Il ne pleuvait, plus dans la maison: le chaume était: réparé tous les ans... Puis, voilà qu'il m a fallu songer à mon service militaire. Je n'en parlais jamais, mais ma mère y pensait davantage au fur et à mesure que la date du départ se rapprochait. .Chez elle, c'était une hantise. Ça la réveillait; la nuit. •. — Mon pauvre enfant, me disait-elle, je ne demande qu'une grâce à Dieu: c'est que je sois « partie » avant toi. Elle ne pouvait se faire à l'idée de vivre seule,loin de moi, durant trois longues aimées. Et, à la voir courbaturée, criblée dè rhumatismes, l'haleine courte, je me disais qu'elle ne pouvait vivre, en effet, en mon absence... Quand on est pauvre, on:n'a plus le.droit de vivre du moment qu'on ne,peut plus travailler... .Alors, j ai pensé à me; faire exempter, non pas que le métier de soldat m'épou vantait, au contraire, mais par amour pour celle qui m'avait élevé. Je suis allé trouver le maire, puis le brigadier de gendarmerie. Je leur ai exposé mon cas. Tous deux m'ont fait la même réponse : « — Impossible. Vous n'êtes pas soutien de famille. Je leur disais : Pourtaut, je ne peux pas laisser ma mère mourir de faim à soixante-dix-huit ans..... Ou alors, qu'on l'hospitalise quel-: que part. , — La Jeannine, qu'y m'ont répondu,; ne peut-être classée parmi les vieillards indigents. Elle a une maison, une chèvre, un®pâturage.-. Puis, ce n'est pas votre mère : vous,1 vous appelez bien JeanBaptiste Malâilioge,n|est-ce pas ? ! Je ne vous le cache pas, mon capitaine, je sentais que leur raisonnement était juste, et pourtant, il me révoltait. Je n'ai; pas connu ma vraie mère; mais je sais bien qu'elle ne m'aurait pas aimé davan tage, ni reûdu plus heureux que Jeannine.; Moi, je ne connais pas la loi.' Je pense! qu'elle, doit être, juste pour tous! On a. bien, exempté le fils Laroche, de chez! nous, rapport que son père voyait à peine pour se.conduire. Pourtant, celui-là est: riche,- il avait de quoi payer des journa liers et des domestiques pour travailler ses terres. Commeiit .ça se fait qu'on ne peut pas exempter un, garçon comme, moi, qui est le seul soutien d'une femme! de soixante-dix-huit ans? Je sais bien que, la faute en est'à mon acte de naissance. ..> On a inscrit dessus un nom. . ; le nom d'une femme qui m'a abandonné/:. Eh bien!'s'il n'y a pas d'autres moyens, qu'on le remplace par celui d!e la pauvre femme qui à eu tous les soins,, tpus ; les soucis, toutes lés peinés, toutes les chargés de m'élever. . ■ . . =. Si au]"''.', ! il. Le, capitaine essuya les verres de son binocle^ prit une fiche, et tout en grif...

À propos

Fondé en 1863 par Moïse Polydore Millaud, Le Petit Journal était un quotidien parisien républicain et conservateur parmi les plus populaires sous la troisième République. Le journal jouit vite d’un succès commercial sans précédent, renforcé par la publication de divers suppléments, parmi lesquels son célèbre « supplément du dimanche » ou encore Le Petit Journal illustré. La publication s’achève à l’orée de l’année 1944.

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