Extrait du journal

— Pourtant, si elle épousait un comte, elle s'èn irait de Saint-Amand et ça serait fini, Etienne ne penserait plus à elle. Dans un accès de colère elle montra le.poing au ciel, puis se mit à sangloter en murmurant : • — Laide, bossue* horrible, je ne peux ins pirer que la répulsion et le dégoût I Cette douleur était navrante et bien digne d'un sentiment de commisération pour la créa ture qu'elle torturait, si perverse qu'elle fût. Oui, elle était perverse, Mélie la Bossue, elle était perverse par nature, cette malheu reuse déshéritée ; mais nous devons dire que ses instincts mauvais avaient été entretenus, développés et poussés à l'extrême par ceux-là même contre qui elle les exerçait. Née d'un amour de passage d'une fille per due et d'un vaurien, elle avait été abandonnée à la charité publique, à cause de sa laideur. ' Elle avait grandi n'entendant autour d'elle que des sarcasmes; on l'avait constamment accablée d'outrages. Sa première enfance, cet âge qui devrait être sacré pourles plus cruels et les plus éhontés, n'avait même pas été res pectée. ' Pour elle, jamais une., caresse,, jamais un mot de pitié; elle avait subi tous les mauvais traitements qu'on inflige à un chien galeux. Elle avait enduré la faim et la soif; le froid l'avait engourdie sur les grands chemins ; sou vent elle avait dû.chercher sur des tas d'or dures de.quoi apaiser sa faim. Quand, par hasard, une âme charitable lui donnait sur du pain un morceau de viande ou de laid, il se trouvait toujours ou.un men diant plus ftrt. qu'elle ou un enfant pour le lui arracher. Les garnements du pays s'étaient plu à souiller son âme. Vierge; elle n'ignorait rien du vice. A elle on avait enseigné; la haine du bien et du bea'u comme aux autres enfants on enseigne la haine du mal et dû laid. :...