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Le Petit Journal, 21 juillet 1908

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Le Petit Journal
21 juillet 1908


Extrait du journal

me fit un véritable discours pour s'efforcer de me prouver qu'il était sérieux et qu'il possédait toute sa raison- en me promettant d'être riche. Il me quitta pour retourner à son ouvrage en me disant, toujours à voix basse : « — Si tu veux- devenir riche, attends-moi ce soir, à minuit, dans ta' chambre ; ne t'en dors pas, attends-moi avec patience... à mi nuit.;:» Mon service terminé, j'étais monté dans ma chambre, sous les combles, et j'attendais en lisant 'distraitement quelques journaux. : .. A aïiauit, an effet, à minuit juste, la portp de Courtois s'ouvrit. : : ^;; : C'était Renard. Il était nu, dit'Courtois,! et il brandissait un couteau. Il ferma* lai porte de Courtois et lui dit : . « Déshabille-toi complètement!., enlève ta chemise, et : suis-moi... la fortune est en-des sous. » : .Je fus effrayé par son attitude, surtout par son regard, car, à ce moment, Renard, les traits crispés, avait les yeux brillants comme un. « chat-fou » ; ses prunelles, entièrement dilatées, brillaient comme deux petits globes électriques. « — Mais vous allez commettre un crime, lui dis-je, et nous irons à l'éohafaud I Je veux bien de la fortune, mais pas à ce prix-là. » Renard chercha à me rassurer. Il m'affir ma qu'il avait étudié le coup et que nous n'au rions rien à craindre, que jamais la justice ne nous soupçonnerait et que,, même si l'on nous arrêtait,, qu'il serait impossible d'établir notre T culpabilité. « — Nous ferons une mise en scène qui fera croire que des cambrioleurs sont entrés de nuit dans l'hôtel, ajouta-t-il ; jamais la police ne nous pincera. Pourquoi prend-on les as sassins ? Parce qu'on retrouve sur leur linge, leurs Vêtements, des traces de sang. Nous sommes'nus : pas de traces révélatrices. Nous cacherons l'argent et les bijoux que nous ne vendrons que plus tard, quand l'affaire sera oubliée.! Suis-moi, je te jure qu'il n'y a rien à craindre. » .. Et j'eus le tort de suivre ce misérable, dont le regard terrible me fascinait, cet homme qui ne rêvait que de se venger de notre maître jjafôô •. que céltipci • avait déoidé ■ d'exiler M: Raingo et mis en demeure Renard d'avoir à se séparer de sa -fillette qui, -jusque-là, avait habité l'hôtel de la rue de la Pépinière. La fortune qu'il m'avait promise était dérisoire et cet homme me contraignait, pour ainsi dire, pour 1!appât d'un gain relativement minime, a devenir le complice de sa vengeance épou vantable. A ce moment de son récit Courtois s'inter rompt brusquement, fatigué, pris de re mords, peut-être, au souvenir du crime. Mais on le presse de questions et il ne tarde pas à poursuivre son impressionnant récit. — A minuit dix exactement, Renard et moi nous entrions dans la chambre à coucher de notre maître, qui déjà sommeillait. Renard se jeta sur le vieillard, qui s'éveilla et voulut appeler au secours. Pendant que le maître d'hôtiel lardait le vieillard de coups de couteau, je paralysais les mouvements dé défense de la victime en lui serrant fortement le cou d'une main et.de l'autre en lui appli quant un oreiller sur la figure pour étouffer ses cris. Malgré ses soixante-dix-huit ans, M. Remy, qui était encore solide, se débattit avec achar nement. Nous avons dû lutter pour le réduire à l'impuissance et l'empêcher de se défendre jusqu'au moment où Renard a réussi enfin à le tuer. Et, machinalement, pendant qu'il raconte l'horrible scène, le jeune valet de pied fait le simulacre de serrer le cou de sa victime, qui- se défend, et de lui appliquer l'oreiller sur la tête. Ces gestes attirent particulièrement l'at tention du magistrat* car Courtois, qui est grand, élancé, svelte, presque distingué, a des mains ^normes pour son âge et des poi gnets dénotant une grande force mus culaire. Il a dû être un aide précieux pour Renard dans l'horrible besogne accomplie et il est probable que si le maître d'hôtel n'avait pas été secondé par un complice aussi robuste, M. Remy aurait réussi, sinon à se sauver, du moins à jeter l'alarme. .s . La toilette des assassins Le forfait perpétré, c'est Courtois qui l'af firme, Renard avait le corps entièrement couvert de sang. Le lit en était inondé. Quand les deux coupables virent que M. Remv était mort, ils prirent son oad/aivrë et le déposèrent sur le tapis, à l'epdroit où où l'a trouvé, ; le tapis fut également ensan glanté. Buis, pour faire disparaître les traces de sang qui les couvraient, ils prirent un bain idans la baignoire du défunt et s'essuyèrent avec une serviette-éponge, qu'ils lavèrent ensuite, plusieurs fois, avec soin: - C'est -pourquoi, au moment des constata tions judiciaires, on ne découvrit .pas de traces.sanglantes dans l'hôtel. Aucun linge ne parut souillé. Une seule tache de sang fut relevée 'sur un' essuie-main placé dans l'office. Questionné sur cette particularité, Cour tois a répondu que, dans l'office, une glace lui avait révélé qu'il avait encore, à un -coude, une goutte de sang, et qu'il l'avaiî esSuyée aussitôt. Une confrontation qui s'annonce comme devant être très intéressante, aura lieu, au jourd'hui ou demain, entre Renard; et son complice accusateur, rue de la Pépinière?, dans» 1g, chambre même où M. Remy est tombé, victime de ses assassins....

À propos

Fondé en 1863 par Moïse Polydore Millaud, Le Petit Journal était un quotidien parisien républicain et conservateur parmi les plus populaires sous la troisième République. Le journal jouit vite d’un succès commercial sans précédent, renforcé par la publication de divers suppléments, parmi lesquels son célèbre « supplément du dimanche » ou encore Le Petit Journal illustré. La publication s’achève à l’orée de l’année 1944.

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