Extrait du journal

N OUS avons toujours cherché à faire œuvre de prévisions. Nous avons toujours exclu le genre prophétique. Nulle demande ne nous est jamais apparue plus vaine et plus puérile que celle-jci, particulièrement en usage dans les salons, dans les cafés : « Que faut-il penser de là situation ? » Quelle réponse faire à pareille demande ? S'il s'agit d'une vue générale, on peut toujours s'en tirer par un bref qualificatif : elle est triste ou elle est sombre, ou bien elle est claire, ou bien encore elle est inextricable. S'il s'agit d'une analyse, alors aucune soirée ne serait assez longue pour permettre de satisfaire la curiosité du questionneur. Devant l'état de choses actuel, ces remarques prennent une valeur exceptionnelle. Car la guerre se développe ; elle devient de plus en plus acharnée ; elle déborde le cadre des nations belligérantes ; elle ajoute aux opérations militaires une série d'actes diplomatiques, économiques, voire sociaux. Le cas de la Yougoslavie, dans le Proche-Orient, celui du Japon, dans l'Extrême-Orient, illustrent, à des titres divers, ces phénomènes indiscutables. Le Japon n'est pas entré dans la bataille aux côtés des puissances de l'Axe ; mais son conflit avec Tchang Kaï Chek, ses visées sur la Chine et la coordination croissante des efforts entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis dans le Pacifique l'amènent à jouer, dès à pré sent, un rôle indirect, effectif dans l'évolution de la guerre. La Yougoslavie semble s'orienter vers la non-belligérance ; mais sa position géographique^ son enserrement entre l'Italie, l'Allema gne, la Roumanie, la Bulgarie et fa Grèce la placent bon gré mal gré dans l'orbite des hostilités. N'insistons pas sur l'U. R. S. S., qui reste neutre... et profite le toutes les occasions....