Extrait du journal

C'est un pavillon d'allure cossue, dans un jardin planté d'arums et de- géra niums, clos de hauts murs discrets, que la folie a ensanglanté hier, à Courbevoie. Cette maison semblait propice aux rêveries d'un soir de vie.'Mais la folie-y rôdait .Elle y rôdait depuis la guerre. Là, 4 rue-Perret, vivait Antoine Mi guel, 62 ans, ancien capitaine de la guerre, retraité à 100 % pour troubles mentaux. Par trois. fois, on avait, dû l'interner. D'abord pendant trois mois en 1918, puis à ' la1 suite d'une : rechute en 1922, encore trois mois dans un asile ; enfin, l'année suivante, en 1923r à ^Ville-Evrard, i où il demeura jusqu'en. 1930.- Sept ans. ! ■ On l'avait cru - guéri. L'ancien soldat rentra chez lui, un peu" farouche, mais calme. Et cela parut ' presque naturel : il avait deux fois souffert, dans sa chair et dans son esprit. .. . Des'années passèrent encorè. Miguel sortait peu, il avait renoncé à bien des joies ;,mais, sa femme le jugeait paisible. Pourtant, voici «quelques- mois, il- fut repris :par des crises - de fureur et d'in quiétude. Il - ne. sortit plus du tout,. se cloîtra,'atteint d'on ne sait quelle agora phobie,-dans- sa petite chambre au pre mier1: étage ■ du pavillon. U soupçonnait tous ceux qui l'approchaient, et même les: passants- qu'il apercevait au delà du mur, de lui vouloir du mal.. Enfln,; il. décida, de s'enfermer tout à fait. Il fallut que Mme Miguel déposât sa . nourriture sur le palier et se retirât pendant qu'il ouvrait la porte. pour la prendre. Une fois seul-il examinait les aliments,- prononçait des paroles con-; fuses, mêlées de menaces, tripotait un gros, fusil à chasser les - canards, une arme de 12 m/m. et se mettait enfin à manger. . . ' (Voir la suite en quatrième page.)...