Extrait du journal

— « Mais, direz-vous, la besogne est rude. Elle est immense. — « Ne pensons pas trop aux obsta cles. Faites ce qui vous semble bon. Voyez les fourmis. Chacune déplace en silence un grain de sable, et si elles sont dix mille , dix mille grains do sable peuvent être enlevés dans le temps au’une seule fourmi emploie pour enlever un seul grain de sable. C’est l’abstention de chaque unité qui fait la mort du nombre.Agissez chacun isolément selon la justice, qui sait ? peut-être serez-vous dix mille. La vertu d’initiative est une chose rare; mais, — il faut y insister, — si cette vertu, dans un village,par exem ple, se trouve chez un seul.il imposera aux autres, non pas à tous, mais à un grand nombre , puis au plus grand nombre, le mouvement utile. Il don nera le conseil heureux. Il peut trans former un pays. Je connais url village où le maire a planté des rosiers tout le long d’une rue nouvelle, large comme une avenue, — Les petits enfants dévasteront vos rosiers. — Ne croyez pas ça ! — Nous verrons bien ! Il se rendit à l’école, parla aux en fants, leur expliqua que les rosiers appartenant à tous n’étaient à aucun d eux en particulier. Il y a de cela six ou sept ans ; per sonne ne touche aux roses de tout le monde. La bonté est une reine qui soumet les plus farouches, tôt ou tard. S occuper des enfants, ne pas con trarier, à la maison, les leçons reçues à l’école, voilà de la bonne hygiène morale. Et où est-il encore le remède aux excitations politiques qui,entretenues journellement, finissent, durant les périodes électorales, par devenir de l’exaspération, de la rage, de la folie, amènent les insultes, les brouilles, les coups parfois, les rancunes, bref la guerre civile? Où il est? Dans un oubli au moins relatif, dans un intermittent oubli de soi ? Ces pauvres travailleurs, dont nous parlions tout à l’heure, qui ont souscrit pour nos pêcheurs d’Islande, croyez-vous cpi’ils n’aient pas éprouvé un grand bien „ en eux-mêmes, du grand tilCii auquel 11.-) songeaient ? Savez-vous quelle autre très bonne chose ils ont faite? Une souscription pour acheter, dans l’intérêt public de la commune, l’appareil injecteur anti diphtérique de M. Pasteur. La diphté rie, le croup des enfants, est une des plus horribles maladie de la terre... L’appareil demeure chez l’un d’eux, à la disposition de tous les gens du pays. Voilà un événement de village et qui a tenu haute leur pensée, tant que la souscription n’a pas été couverte. Créez aussi, par exemple, des cais ses de secours et ne les oubliez pas. Alimentez-les vraiment, soigneuse ment. Achetez des habits et des sou liers pour les plus pauvres enfants. Que la vraie misère au village devienne inconnue, grâce au secours mutuel, — et l’on peut parier que les irritations de l’agent électoral, ses mensonges aux promesses d’avant l’élection, ses diatribes contre l’agent électoral ennemi, ses menaces malsai nes, seront mises au moins en demioubli ; jusqu’au jour des élections nouvelles, où l’on reprendra les postes du combat politique ; car il ne s’agit Ras, certes, de renoncer aux opinions! s’agit seulement de ne pas donner toute la place à la politique, de ne pas installer la haine en permanence. On meurt de politique. Un gouver nement, c’est la machine à bord d’un bateau. Les politiciens de haine et de rancune, au village comme ailleurs, sont des enragés à idées fixes, qui...