Extrait du journal

souverain. C’est un catéchisme, de date récente encore, qu’ont appris et qu'appren nent des milliers d’enfants. Je citerai seule ment quelques-uns des principaux articles. Ils suffiront, je pense, à jeter un rayon de lumière sur un état d ame si particulier, si différent de celui que nous fait notre civili sation. D. — Quelle est l’obéissance que nous devons à l’empereur? R. — Une obéissance entière, passive, illimitée sous tous les rapports. D. — En quoi consiste la fidélité que nous lui devons ? R. — Dans l’exécution rigoureuse de ses ordres, sans examen ; dans l'action de nous acquitter de tous nos devoirs envers lui ; et de faire tout ce qu’il exige sans murmurer. D. — Quelles sont les raisons révélées de ce culte ? R. — Ces raisons consistent en ce que l'empereur est le lieutenant et le ministre de Dieu, pour exécuter ses commande ments. La désobéissance à l'empereur s’iden tifie, par conséquent, avec la désobéissance envers Dieu lui-même, qui récompensera dans l’autre monde notre culte et notre obéissance envers l’empereur, comme il punira sévèrement, et pendant toute l’éter nité, ceux qui pourraient y manquer. D. — Quels sont les livres qui précisent ces devoirs ! R. — L’Ancien et le Nouveau Testament. D. — Quels exemples confirment ces doc trines ? R. — L’exemple de Jésus-Christ lui-même qui vécut et mourut sujet de l’empereur de Rome, et se soumit respectueusement au décret qui le condamnait à mort. J’aurais pu prolonger ces citations, mais n’est-ce point suffisant? Un peuple qui reçoit ces enseignements ou des enseigne ments analogues pendant des siècles, n’a plus de grandeur possible que par une identification complète avec l’objet de son culte. Et c’est bien pourquoi le moujik exulte devant son empereur. Un secret instinct l’avertit. Puisque c’est une idole, il faut qu’elle »oit haute. Sa haine farouche contre ceux qui veu lent saper le pouvoir autocratique procède des mêmes raisons.Co pouvoir il l’a reconnu; tous les jours de sa vie il s’est incliné devant lui et l’a béni ; en le diminuant on avilit ses efforts pour y être fidèle, en même temps qu’on rabaisse ses croyances. C’est l’atteindre à la fois dans son cœur, dans son amour-propre, dans ses illusions ; il ne veut pas souffrir cela. Sans doute il est chétif et il le sait ; mais il est protégé. Si on lui enlève son protecteur, ne sera-t-il pas plus chétif encore ? Il a maintenant un refuge contre les injustices du propriétaire et les ruses de l’usurier : le tzar. Lo tzar ôté, à qui adressera-t-il son appel ? Je n’apprécie pas ; je résume simplement ce qui me parait être l'explication ration nelle de l’union quasiment mystique du peuple et du souverain en Russie. PIERRE GERMAIN....