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Le Petit Marseillais, 5 juillet 1909

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Le Petit Marseillais
5 juillet 1909


Extrait du journal

pas les modernes sorciers qui, par des artifices vulgaires, avec un prodigieux aplomb surtout, se font des rentes en rééditant les recettes du Grand et du Petit Albert et que je ne proteste pas contre les condamnations qui les attei gnent de temps en temps, sans les corri ger, d’ailleurs, car ils ont une mine trop facile à exploiter. Mais, dans la misé rable condition humaine, qui donnerait ce qu’ils savent au moins donner : des illusions ? Je me rappelle une curieuse affaire, plus cqmpliquée que celle dont je parle. Il s’agissait, cette fois, d’un spirite qui offrait aux personnes inconsolables l’image de l’être cher perdu et se piquait de les mettre en communication avec lui. Celui-là était une manière d’artiste; il lui fallait toute une mise en scène, des complicités ; aussi faisait-il payer cher ses séances. La justice s’occupa de lui. Un des témoins entendus fut un brave homme qui avait été si rudement frappé par le sort, qu’il était resté écrasé de tant d’in fortunes, la mort lui ayant successive ment arraché tous les siens,ayant lait de lui, après avoir été entouré d’affections, un triste solitaire. Le spirite, qui avait été mis en rapport avec lui, l’avait si bien abusé, par de simples tours de passe-passe, que cet isolé ne sentait plus la douleur de la disparition de ceux qu’il avait chéris. Ils lui apparaissaient, ils lui donnaient de leurs nouvelles, ils lui fai saient le tableau de leur existence dans l’au-delà, ils l'égayaient même par le récit, qui parut bien singulier à l’au dience, des occupations et des menues passions des « Esprits ». Cet affligé, mis ainsi en relations constantes avec ces ombres, l’entretenant de leurs petites affaires, était devenu heureux, en ne vivant plus que dans une sorte d'extase. L’imagination lui avait rendu une féli cité, et il ne souffrait plus de sa poi gnante solitude ! Le président de la chambre correc tionnelle s’acharna, un peu durement, à lui démontrer qu’on l’avait abusé, à lui expliquer par quels moyens, à le jeter du haut de son rêve, et cette scène, pres que tragique, m’est restée dans la mé moire, de ce pauvre être ramené tout à coup à l’affreuse vérité et s’écroulant comme une loque, ayant subitement vieilli, le visage ravagé, en ne pouvant plus croire à ce tendre commerce avec ses chers morts. Le mensonge l’avait rasséréné. C’était la réalité qui le tuait. Il y a des cas désespérés où le mensonge est le seul remède. PAUL GINISTY. «e» Le «Provisoire définitif» à Messine...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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