Extrait du journal
quatre fois, dix fois et même vingt fois dans une tranchée. C’est trop banal, ça, la tranchée ! Ça ne rime à rien. C’est tout juste si on ne vous traite pas d’embusqués : « Ben quoi ? toujours à la même place de puis un an ? Qu’est-ce que vous f... donc ! » Et pour vos repos on vous choisit un patelin où l’unique épicier, qui est aussi le seul habitant, reçoit une subvention de Guillaume pour se payer vos gueules : « — Qu’est-ce que vous désirez, mon sieur ? Du pinard rouge ? Bien ! Et vous, monsieur, du blanc ? Bien, bien ! C’est un jambon qu’il vous faut à vous, caporal ? Ah ! c’est bon, ça. le jambon ! Et vous, ser gent, un put de confitures ? Desquelles ? Fraises ? framboises ? abricots ?... Et vous autres, messieurs ? Vous dites ? des londrès ? des cigarettes ? une boîte de sardi nes ? du papier à lettres ? une demi-livre de biscuits ?... C’est que, chers tncssicurs, je regrette bien, mais je n’ai plus que du savon de Marseille ! » Le jour du déport arrive. Les consignes sont passées aux successeurs : — Au revoir, les amis, et ne lâchez pas la place, surtout ! F.lle est épatante : logés, nourris, flotte à discrétion et toutes les deux heures un petit dessert de 150 et de torpilles. Nous passons près de l’étang : quelques minutes encore et le paysage familier aura disparu derrière la côte. Je sens qu’il est convenable d'être triste et. toujours roman tique, j’ouvre la porte à la mélancolie. Ces ravins, cette forêt ravagée, cet étang, ces cagnas, les reverrai-je un jour ? L’adieu que je leur donne n’est-il pas le dernier ? C’est là, dans ce coin de Meuse, que j’ai connu l’ivresse d’agir avec toute mon âme et tout mon corps mêlés. Si de ma vie quel que action utile surnage, comme se dresse au-dessus d’une plaine monotone et pelée quelque fier château féodal, elle sera datée d’Apremopt. Ici est ma maison natale, ici mon foyer, ici mon tombeau... Mais non, c’est en vain nue je m’efforce. Mon cœur rit dans mes yeux et la pensée même des morts que je laisse ne réussit pas à m’assombrir. Ne suis-je pas un candidat à la mort, moi aussi, et que me réservent ces horizons inconnus vers lesquels je m’enfonce ? Je me tourne vers mon ordonnance : — Approchez, Duchcsne. Je vais vous chanter la chanson de l'Ours amoureux... Lieutenant JACQUES P....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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