Extrait du journal
Lfi fils (la Ciel n'a que six ans. C’est :e qui explique la franchise de son édit. A cet âge on ne sait pas mentir. « Je règne depuis trois ans, dit-il. J’ai toujours agi consciencieusement dans rintérêt du peuple, mais, étant dépourvu d’habileté politique, je n’ai pas employé les hommes comme il convenait. J'ai donné à des nobles trop de postes poli tiques importants. On a pris beaucoup d’argent au peuple, mais on n’a rien fait pour son avantage. Le peuple murmure ; cependant je ne le sais pas ; un désastre approche, mais je ne le vois pas. Tout cela est de ma faute ; et j’annoncerai au inonde*que je jure de me réformer. » Nous connaissons des chefs d’Etat qui, s’ils n’avaient plus de six ans, pourraient signer un aveu semblable. Mais, comme ce ne sont plus des marmots, ils se pro mènent au milieu des populations de vant lesquelles ils célèbrent leur habi leté politique. N’attendez pas d’eux qu’ils reconnaissent avoir confié des pos tes importants à des mazettes, non plus qu’ils ont soutiré au peuple des mil liards, sans qu’il en ait éprouvé le moin dre soulagement. Ceux-là ne promettent l>as de se réformer. Bien au contraire, ils ne s’engagent qu'à continuer ; leur ré forme personnelle ne fait pas partie des réformes qu’ils annoncent ; et, si le peu ple murmure, ils n’en ont cure. Pourquoi s’en soucieraient-ils ? Le peu ple murmure, mais il paye. Et c’est là le point capital. Ce pauvre peuple français est de ceux qu’on met à toutes les sau ces. Tous les matins il ouvre les gazettes en se demandant quel tour on va bien encore lui jouer. Il n’est pas content. Oh ! cela c’est un fait certain. Il n’est pas content. Seulement, il agit et il vote tout comme s’il l’était. Quoi exiger de plus ? Les Chinois mécontents ont la res source de se débarrasser du môme qui avoue les gouverner mal. Mais ce qui empêche la France de les imiter, et de se débarrasser de son gouvernement, c’est que ce gouvernement c’est elle qui l'a fait. Vous n’allez pas dire qu’il n’est pas beau. Cette malheureuse France ressem ble à l'homme au sonnet, qu’il ne pou vait reconnaître comme pitoyable, par cette raison démonstrative qu’il en était l'auteur. Le remplacer par un autre,que je ferais encore, qui m'assure qu’il vaudrait mieux ? Les Chinois ont de la chance, eux ; ils ont un souverain responsable. Mais nous qui sommes en république, nous n’avons aucun recours. Et c’est bien embêtant ; car ce que cette république a fait de bêtises depuis qu’elle est née, cela dépasse l’imagination. Il n'en aurait pas fallu le quart pour détrôner un roi ou un empereur. Mais on ne se dit pas ces choses à soi-même. Cela ne se passe qu’en Chine. Si pourtant cet acte de l’empereur chi nois allait établir un précédent ! Si nous allions voir M. Caillanx (et je dis M. Caillaux parce qu’il est là ; c’en serait un autre que ce serait exactement la même chose) se présenter devant les Chambres en robe de pénitent, pieds nus. la corde au cou, et s’exprimer en ces ter mes : « Mes chers amis, plaignez-moi. C’est ma faute, c'est ma faute, c’est- ma très grande faute. Je le reconnais humble ment-. Que voulez-vous ? Je n’ai aucun esprit politique. J’ai donné des emplois à un tas d’incapables, qui ne le méri taient pas. J'ai augmenté considérable ment le budget, sans que le peuple en soit plus heureux. Les affaires vont au plus mal. A l’extérieur, nous sommes roulés. A l’intérieur, vous voyez à quel moment vous vous réunissez, et comme vous allez être en retard. Il ne me reste qu'à me recommander à vous. C’est tout ce que j'ai à vous offrir. » Reconnaissons que ce ne serait pas ba nal. Mais, je le répète, cela ne se passe qu’en Chine. — Il est fou ! diraient les députés. Si c’est là ce qu'il appelle gouverner ! Par bleu ! nous savions bien tout cela sans qu’il nous le dise. Mais on ne dit pas plus à un peuple qu'il est malheureux, qu’on ne dit à un mari qu’il est... sganarellisé. Ce sont des choses qu’on garde pour soi, quand on les sait. Toutes véri tés ne sont pas bonnes à dire. » Et la Chambre entière serait prise d'un...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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