Extrait du journal
Ce soir, près de l’âtre qui brille, On le découpera gaiement L’immense gâteau de famille Qui revient annuellement. Dans la chaumière ou le château, Chacun a sa part de gâteau 1 Mais est-ce ainsi pour tous le monde ? On nait riche ou pauvre, au hasard ; Pour l’un l’existence est féconde, Elle l est moins pour la plupart. — Combien murmurent in petto : — Je n’ai pas ma part de gâteau I Vous êtes belle, rayonnante, Et votre voisine, tenez, Est d’une laideur étonnante : Quelle bouche, quel front, quel nez l Au partage vous avez tôt Pris toute sa part de gâteau I Votre oncle meurt — le sort vous gâte 1 Son trépas va combler vos vœux... Mais, hélas ! chose indélicate, Il déshérite ses neveux. Le suprême coup de marteau Vous prend votre part de gâteau I Nos législateurs — on l'assure — Avec leurs vingt-cinq francs — comptez 1 — N’ont pas assez pour leur chaussure Et demandent d'être augmentés. Que ne mettent-ils un plateau Pour grossir leur part de gâteau I Il est minuit. On nous arrête, A Marseille, méfiez-vous, Car une main est toujours prête A vous larder de mauvais coups, Combien, à l’aide d’un couteau, Se sont fait leur part de gâteau 1 I.’anarchic annonce son heure, Tremblez, bourgeois et coffres-forts t On veut que ce vieux monde meure ; On le sape avec tant d’efforts I Maint orateur, sur le tréteau, Réclame sa part de gâteau ! La Chine est ouverte à l’Europe, Son mur, on y passe dessus I Mais on prétend — qui donc écoppe? — Que là-bas on ne s’entend plus. Chacun s’arroge — incognito — La meilleure part du gâteau ! La femme veut qu’on l’émancipe; C’est son droit : ne discutons point. Molière avait un vieux principe De haut-de-cuausse et de pourpoint 1 Eve a mis sur son écriteau : — Donnez-moi ma part de gâteau! Que l’on regarde à droite, à gauche, l*ins tous ies coins de l’univers, A» destin on fait maint reproche, Et l’on s’épuise en cris divers. Mais chacun se tait aussitôt Qu’il saisit sa part de gâteau ! N’exigeons qu’une part modeste, Mais qu’on y morde à belles dents ! Heureux si nous pouvons, du reste, Y trouver la fève dedans! Plaignons ceux qui, ce soir, tantôt, N’auront pas leur part de gâteau I XAVIER MAUNIER....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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