Extrait du journal

M. Max Dorian, auteur et éditeur, me prie d'annoncer que l’on fonde un prix annuel de 2.000 francs, destiné aux enfants écrivains. Ce prix ira à la meilleure histoire écrite par un moins de treize ans. Les concurrents, garçons et filles, s’engageront sur l’honneur à ne pas se faire aider par les grandes personnes. Cette dernière clause invite à sou rire. Ce n’est point que les enfants ne puissent faire, à ce propos, l’apprentis sage du serment et de l’honneur, mais a-t-cn compté avec les parents 7 Quelle est la maman qui résistera au désir de corriger l’historiette naïve ment écrite ? » Après tout, dira-t-elle, on ne m’a A moi un en gagement d'honneur. » La supercherie maternelle aura bien des ressources. Du prix en lui-même, que peut-on dire ? Il vise à la recherche du phéno mène. C’est bien heureux encore que l'on se borne à ne demander, pour le moment, aux moins de treize ans qu'un récit, un conte. Plus tard, ce sera un roman psychologique que l’on exigera. Je crois que c'est notre concitoyen Pierre Coutras qui a écrit les impres sions d’un nouveau-né. L’ayant fait à l’âge d'homme, il a usurpé la place d’un lauréat futur. Ne désespérons pas de lire, prochainement, les confiden ces d’un babv à la mamelle et les confessions d'un enfant sevré. Les vers fameux du poète ne répondront plus à la réalité : « Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille... » Le cer cle de famille devra s’apprêter à en tendre de la bouche d’un moins de treize ans la lecture d’une pièce en trois actes ou l’exposé d’un roman en trois cents pages. Les exemples abondent d’enfants pré coces dans le passé. 11 parait que Ti bère et Auguste étaient des moins de treize ans capables de prononcer un éloge funèbre. Moins loin que cela, on est émerveillé de savoir que Rancé avait composé un Anacréon à onze ans. Pic de Mirandole était savant sur toute chose dès son enfance. A quinze...