Extrait du journal
Faudra-t-il en arriver, comme le proposait un humoriste, à démolir toutes les maisons de nos grandes villes pour en élargir les rues ? Bâties au temps des charrois modérés et prudents qu’assurait seule la vigueur hippique, ces maisons bordent aujourd’hui des voies encombrées et sonores, où mille trompes et cornets notifient sans cesse au piéton le risque de mort. Vue d'un balcon, la chaussée a des aspects de champ de bataille : voici les autobus, tanks redoutables sur leurs quatre ou leurs six roues, et voici les tramways, qui figurent l’A. L. V. F., disons, pour être mieux compris, l’artil lerie lourde sur voie ferrée. En s’abaissant vers la terre, le bâton de l’agent commanwiini eu uiici dutirnâ le Signal de» asaduts périodiques. Alors, les mains au volant ou les jambes à son cou, chacun s’élance, puis, l’attaque terminée, on court ramas ser les blessés. Le progrès inouï de la locomotion mécanique — elle a triplé chez nous en dix ans — est la cause de ces troubles circulatoires. Un immeuble vit plus long temps qu’un homme. Là où il se dresse, il faut deux siècles pour le faire fléchir. Nos villes n’ont pas été construites pour les autos. Qui aurait pu prévoir, d’ail leurs, la stupéfiante fortune du moteur à explosion ? On nous révèle qu’il ne reste, pour remémorer aux jeunes hommes l’é poque déjà lointaine du cheval, que deux cents fiacres dans Paris. Carrosses-fantô mes, ils s’aventurent à l’aurore autour des gares, utilisés, faute de mieux, par les débarquants encore endormis. Vingt-cinq ans ont suffi à supprimer la cavalerie de la capitale. Elle n’était pas uniformément à l’image du célèbre Papyrus et se tuait à la peine. Ne regrettons donc pas le passé. Mais voici qu’à la période difficile de la supercirculation, que nous avons atteinte, qui tous les jours s’aggrave, et que vingt règlements, issus de cerveaux féconds, mais impuissants à faire reculer les murs, cherchent à rendre moins désastreuse, va succéder, si Von n'y prend garde, l’âge de l’immobilité, je veux dire le moment ou le nombre et le volume des véhicules se seront tellement accrus qu’ils ne pourront plus trouver place dans les rues. Un édile parisien, M. Emile Massard, affirme que le centre — Opéra, Boulevards, gare Saint-Lazare — est déjà parvenu à ce stade de la congestion, et ceux qui ont vu, lors du Salon de l’Automobile, les longues files, arrêtées dans leur course, attendant un quart d'heure leur tour de rouler, donnent raison à M. Massard. Oui, la surface totale des voitures en service, un jour normal de Vannée, tend .à dépasser celle de la voie publique utilement et habituel lement fréquenté», je ne parle, bien entendu, ni de Charonne et de ses impasses, ni de la paix fleurie d’Auteuil. Mais où règne Vaffiux que créent le commerce et le plaisir, c’est, dès le matin, la mêlée, et plus tard, au moindre accroc, l’embouteillage et la stagnation. Par lin retour bien imprévu, il faut alors, pour aller vite à son but, aller à pied. Une telle situation, que l’intensité consécutive à la rentrée a fait brusque ment apparaître, crée dans le public un mouvement d'inquiétude. Que va-t-il advenir de Paris, qui s’est mis deux expositions sur les bras, quand le Pôle et le Tropique sy donneront rendez-vous ? La presse, miroir du trouble des âmes, témoigne du souci collectif. Pas un quo tidien qui ne s’émeuve, et à juste titre, d’une cristallisation possible de cette ardeur, de ce bruit, de ce paroxysme, qui sont la ville elle-même. Il faut que Paris vive et s’agite, il faut que Paris circule. Oui, mais comment ? Il y a d’abord les remèdes à longue échéance. Ce sont les plus sûrs : prévoir 1 Faute d’une anticipation assez vaste et assez libérale, nous avons un métro dont Toulouse s’accommoderait peut-être, à la rigueur, un tube où les accès et les déga gements se coupent souvent à angle droit, où le labyrinthe des couloirs descend en oubliettes vers l’abîme et ne débite son public qu’au- compte-gouttes — et nous avons surtout un métro, je l’ai déjà dit et je le répéterai jusqu’à mon dernier souffle, dépourvu des ascenseurs indispensables, ce qui est à la fois ridicule et incongru, et révèle une malfaçon qui n’a pu se perpétuer que par la conspira tion du silence. Pour améliorer la cité future, où le nombre des autos sera décu plé, que Von projette donc des rues aériennes ou souterraines, en grande quantité et en grande largeur, rien n’est plus légitime et vous vous félicitez avec moi que Vidée d’un si désirable supplé ment de voirie prenne déjà corps dans le concept des architectes municipaux, et ce qui vaut encore beaucoup mieux, dans le vœu irrésistible d’une population sur pressée, trop fréquemment touchée au flanc par la vivacité des engins. Mais il faudra cinq ou dix ans avant eue le tréfonds parisien, déjà miné, n’abrite, au troisième étage au-dessous de l’entresol, les tunnels réservés aux poids lourds, ou avant que la dentelle d’une route suspendue ne couronne, à l’usage des véhicules légers, l’antique et formida ble agglomération sur laquelle NotreDame, témoin sacré des origines et des essors, fait monter la double prière de ses tours. Alors ? Ne peut-on imaginer de procédés d’attente, de palliatifs au mal actuel ? Plusieurs bons esprits pensant que oui. M. Lauzanne, dans un article vigoureux, blâmait ces jours-ci l’expropriation de la voie publique au bénéfice des expositions, o Exposez à l’intérieur », disait-il, « n’ex posez pas dans la rue. » C’est la sagesse même, et pour nous changer un peu, elle vient aujourd’hui de Lausanne, mais de Lausanne avec un z. J’ai signalé aux lec teurs de ce journal la brillante campa...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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