Extrait du journal
Je ne dis rien de Chantecler ; J’en sais des tirades précises ; Ce serait un procès — c’est clair — Et l’on m’enverrait aux assises I Est-ce un drame ? Qui le dira ? Une revue, un vaudeville ? On dit que c’est un opéra... Le bruit en circulait en ville* Je ne dis rien de tout ceci, Car, des procès, je n’ai que faire 1 Je ne sais rien ! J’ignore aussi Qu'il y ait un coq dans l’affaire 1 Dam ! c’est même compromettant D’en dire une page — pas toute ! L’auteur, est-ce monsieur Rostand ? Chut 1 II faut même qu’on en doute I Hier, dans un charmant milieu, On en déclamait quelques strophes. Et moi je me disais : —• Que Dieu Nous préserve des catastrophes î Du Chantecler dans un salon ! Ah ! sait-on jamais qui s’y glisse I Dam ! le morceau me parut long, Tant j’avais peur de la police ! Le tribunal n’est pas manchot ; Aussi bien je me tiens à quatre...™ Finir mes jours dans un cachot, Pour une pièce de théâtre 1 Mais — car il faut être prudent, Ne pas user de hardiesse — Au fond, soyez mon confident, Sait-on bien si c’est une pièce ? On n’en parle qu’à mots couverts Et dans le tuyau de l’oreille : Dès qu’on entend dire deux vers, De suite quelqu’un vous surveille I Mais moi, qui me tiens à carreau, Je ne dis rien, je vous l’assure, Car j’ai bien trop peur du bourreàû ' Et de toute la procédure ! J’aurais pu dire : Le décor Représente... Mais chut ! Peut-être Cela va-t-il me compromettre... Non, non, je n’ai rien dit encor I Ainsi, tenez, au deuxième acte, Chantecler... Mais je ne dis rien : Ma vie, en tous points fut intacte, Finissons en homme de bien I Oui, l’on m’a fait des confidences ; Je pourrais même, à la rigueur. Vous réciter des vers par cœur ; Mais ce serait des imprudences I La prison, peut-être Deibler !... Ai-je trop parlé ? J’en suis blême I Je vous en prie, oubliez même Que ça s’appelle Chantecler ! XAVIER MAUNIER....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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