Extrait du journal

à Dieu l’impossible miracle, le retour du père et de l’-époux dont nul n’a pu leur dire, dont nul ne leur dira jamais s’il est mort ou vivant. Et c’est là le tableau qu’a vu l’œil éternellement ouvert d’Yves Le Mat ou de Pierre Corvée. r Regardez encore ce qu’à vu Yan Kermeur de Saint-Malo. Dans l’église en fête la foule se presse. Les cloches sonnent en notes claires. Sous la voûte, au bras d’un gars robuste, Anne-Marie s’avance, en toilette de mariée. Le prêtre bénit leursanneaux.ilunitleursaeux mains. Anne-Marie ne frémit pas ; aucune larme ne mouille ses paupières. Elle a oublié l’absent, le pauvre garçon péri en mer et qui est descendu dans sa tombe mouvante, portantau cœur cette douleur a tireuse de deviner, de voir dans l’avenir ce mariage de l’oublieuse fiancée, cette noce qui n’est pas la sienne. Mais peut-être aussi a-t-il vu l’hum ble maison ou pleure sa mère, cette vieille femme tout en noir, dont les yeux brûlés par les larmes n’ont plus de regards que pour l’horizon immense où elle a vu disparaître son fils. Douleurs cruelles que n’a point inventées la nature, dont il ne faut accuser que les hommes, angoisses du trépas injuste, quelle entente des volontés humaines vour fera prendre fin un jour”? Car ce n’est pas la brume ensevelisseuse qui a tué ces hommes, ce n’est pas la mer implacable qui a exigé leur mort. Non ; la mer s’était laissé vaincre, le brouillard se fût dissipé au matin, et les trois pêcheurs Terreneuvats seraient revenus au pays riches de leurs parts dans la pêche, prêts à réjouir le foyer, à serrer leurs enfants dans leurs bras, à mettre le baiser du retour aux fronts de leurs femmes et de leurs mères, à passer Vanneau d’une fidélité éternelle au doigt des fiancées impatientes. Mais il y avait ce navire maudit, ce grand steamer anglais à la carcasse de fer, coursier aveugle de l’océan cou rant de toute sa vitesse vers le port qu’il devait atteindre. Et le grand bateau d’acier n’avait pas d’à me. Que lui faisaient les espérances de ces hommes, la douleur de ces femmes et de ces enfants1? Son temps était limité, mesuré par étapes, sa course fixée d’avance, sans excuse pour le retard possible. Nulle loi de civilisation ne lui imposait la compassion ou la pru dence. Il allait, machine du progrès, sans respect de la vie, sans autre devoir que le lucre à faire le plus grand possible pour les riches arma teurs qui l’avaient lancé sur les flots. —«o>— Les « routes maritimes », telle est la question à l’ordre du jour des tra vaux de la législation internationale. Je paie ici un tribut de respectueuse sympathie au commandant Riondel qui, depuis vingt ans, presse et solli cite les divers gouvernements pour faire aboutir ces travaux dans le sens d’une réglementation unique, obliga toire pour toutes les marines du globe et assignant des lignes invariables de parcours aux steamers à travers l’immensité de la mer, les obligeant à modérer leurs vitesses en cas de brume, afin d’éviter toutes les occa sions d’accidents. J’apprends avec joie que, cette fois, l’entente est près de se faire entre la France et les EtatsUnis, que les pourparlers sont fort avancés avec le Canada et que l’on peut concevoir désormais des espé rances de solution à bref délai d un problème qui intéresse tant de familles pauvres en même temps que le bon renom des peuples civilisés. PIERRE MAËL. Voir, plus loin, les Dépêches de la Nuit et la Dernière Heure....