Extrait du journal

pour Mlle Bressolles que ton amour est un dan ger selon moi. — Pour qui donc? — Pour toi-même!... — Ta situation est des plus périlleuses... Tu te prépares des chagrins sans nombre, et si véritablement cet amour existe ailleurs que dans ton imagination, aie le courage de t’éloigner... L’absence te guérira vite car un mal si récent ne saurait être bien enra ciné, et avant peu tu auras éloigné de ton es prit un rêve chimérique... — Chimérique? — répéta douloureusement Albert. — Pourquoi chimérique? — Existe-t il donc entre Mlle Bressolles et moi des abîmes que je ne soupçonne pas? — Eh ! mon cher entant, ce n’est point du tout cela que j’ai voulu dire... — se hâta de ré pondre Gabriel Servet. — Certes, personne ne s’étonnerait de te voir épouser Marie Bressol les... Ton père et le sien sont riches tous les deux et tous les deux honorables et honorés...— A la vérité tu es de famille noble, mais à l’époque où nous vivons la noblesse ne signifie pas grand’chose... — ri faut avoir une valeur per sonnelle... il le faut absolument... celle des an cêtres ne suffit plus...— Donc ce mariage serait possible et sortable... à moins que ton père ou M. Bressolles n’aient d’autres projets. Mais l’obstacle est ailleurs.,. — Où donc?— demanda le fils du juge d’ins truction,— Quel est cet obstacle ? — Votre âge...— Vous êtes trop jeunes tous les deux pour penser à un prochain mariage. — Soit ! Mais qui nous empêcherait d’attendre en nous aimant ?... — Je ne crois pas au bon résultat de ces pro messes de s’attendre... L’un des deux y manque toujours et les mariages indéfiniment reculés n’aboutissent jamais... D'ailleurs pour se marier il faut être deux... Admettons que tu aimes Ma rie Bressolles. Rien ne prouve que de son côté elle t’aime. Et si, aujourd’hui ou demain, elle se figurait t’aimer, crois-tu que ce serait bien sé rieux? Marie sort de pension... C’est une char mante enfant, et toi-même,avocat futur et futur artiste, excellent garçon plein d’avenir, tu n’es au fond qu’un grand gamin... — Oh ! gamin ! s’écria Albert scandaiisé. — L’épithète n’a rien de blessant pour ton amour-propre. Je connais des artistes dont le nom est célèbre, dont les cheveux ont blanchi, et qui la méritent plus que toi. Bref, qui sait si demain tu aimeras encore fi...