Extrait du journal

« Allez, allez ià Marseille et vous n’aurez pas perdu votre temps. » Sttr ce, mon obligeant étranger me domia une poignée de main, et j’allai ter miner mes affaires, décidé à prendre le train pour la vieille Phocée. Le soir, jé me trouvais à table, à côté d'un compatriote vu quelquefois à travers l’Exposition de Milan. — Eh bien ! m? dit-il, vous voilà sur le point du départ, vous regagnez directe ment Paris ? — Non, répondis-je, je fais un crochet et vais visiter l’Exposition eoloniale de Marseille. — L’Exposition coloniale de Marseille ! fit-il ahuri, mais ça n’existe pas, cher monsieur, à part quelques baraques où •ou trouverez du savon, de# échantillons de coton, des filasses de ramie, d’ananas, de cocos, etc., vous n’aurez pour tout au tre régal que la vue de danseuses plus ou moins exotiques, des montagnes russes, d’un ballon captif peut-être... Croyezmoi, la chose n’en vaut pas la peine, re tournez à Paris au milieu de vos serres et de vos fleurs. — Y êtes-vous allé ? dis-je, à moitié ébranlé. — Y aller, et pourquoi faire ? Je n’ai pas de temps à perdre. — Mais alors, pourquoi me dépeindre ainsi cette Exposition sous un jour si défavorable ? — Que voulez-vous, on me l’a dit ? — Qui on ? — Ma foi, à vous dire vrai, je ne sais pas qui. J’étais fort perplexe, pourtant, entre l’affirmation de mon compatriote, à qui on avait dit que... et l’admiration de l’Alle mand. Je n’hésitai pas longtemps et me voilà au centre de votre merveilleuse exhibition. — Eh bien, qui avait raison ? — Ah ! mon cher, c’est bien l’Allemand ; soyez sans crainte, en arrivant à Paris, je dirai ce que j’ai vu et nombreux seront ceux qui viendront applaudir au succès bien mérité remporté par Marseille et les colonies. a Votre Exposition est superbe et ceux qui la visiteront en retourneront enthou siasmés, tout comme mon Allemand. » Ce sera la morale de cette conversation, fidèlement rapportée. CLAUDE BRUN. LE «PETIT MARSEILLAIS» A L’EXPOSITION...