Extrait du journal
Tout le monde a approuvé les jures rie la Seine pour avoir acquitté André Bourdin. J’oserai ^ir?, A11® tout le monde a eu tort. C’était un bon petit ingénieur ? Oui, c’était un bon petit ingénieur et sa fiancée, qu’il a tuée, était une gourgandine ? Oui, c’était une gourgandine. Mais si tous les bons petits ingénieurs ont le droit de tuer toutes les gourgandines, il n’y a plus qu’à distribuer des mitrail leuses aux élèves de Centrale, de Polytechnique et de l’Ecole des Mines, sans parler de ceux des Arts et Métiers qui sont légion. Ils numéroteront les demoiselles qui auront eu le tort d’écouter leurs déclarations géométriques et les abattront d’un seul coup. Après quoi, la vertu régnera jusqu’au jour où ils en auront séduit une nouvelle fournée dont ils feront une nouvelle hécatombe. Non ! Un homme n’a pas le droit de tuer. Aucun homme, mais surtout celui qui a eu la chance de former son esprit et de déve lopper son intelligence. Vous allez me reprocher de me erdre dans les lieux communs, élas ! que ne dites-vous vrai ! Ce fut jadis un lieu commun que d’affirmer le devoir moral, mais aujourd’hui tout a changé. Un homme trompé, une femme trom pée ont le droit de courir chez le plus proche armurier et de se faire justice eux-mêmes. Ils ne subissent que de très petits ennuis. On les mène en prison sous l’œil attristé des voisins. Un juge com patissant les interroge, et pour peu qu’ils réussissent à se faire assister par un Moro-Giafferi, un Torrès ou un Campinchi, ils quitteront l’audience, libres et honorés, parmi les applaudissements du public debout. — C’était sa fiancée, me dit-on. Une fiancée ! Ah ! je prie qu’on ne déshonore pas le mot le plus doux qui puisse venir sur nos lèvres ! Une fiancée, sous notre ciel, est la vierge chaste qu’on craint d’offenser d’un mot vif ou d’un geste brutal, à qui l’on ne se permet d’offrir que des bouquets blancs et des serments retenus. Notre jeune respect monte vers elle, en hommage à sa pureté. On ne l’a pas rencontrée dans la rue où elle promenait ses chiens, elle ne s’est pas laissé aborder par le passant, on ne la retrouve pas deux fois par semaine dans une chambre d’hôtel ! C'est pourtant ainsi que ce fiancé et cette fiancée avaient fait connais sance et la prolongeaient. André Bourdin trouvait cela tout naturel et il pensait qu’elle devait l’aimer et lui être fidèle, et ne pas regarder les autres passants. De même, il estimait fort raisonnable quelle ne voulût pas l’épouser avant qu’il ne gagnât cinq mille francs par mois ! Pardonnez-moi s’il me dégoûte autant qu’elle et si j’estime qu’il n’avait pas lui-même assez de vertu pour en exiger d’elle. t- Je crois, lui a dit le président fies assises, que son amour n’avait pr.5 la qualité du vôtre... Ma foi ! je n’ai pas grande admi ration pour l’amour ni de l’un ni de l’autre. André Bourdin voulait, assure-t-il, épouser cette jeune fille, ce qui prouve qu’il est un sot. Il espérait qu’elle changerait. Pour quoi ? Sans doute parce qu’il lui inspirerait une vive affection pour son long nez et son ingrate physionomie ? Non, la vérité en ce drame, pomme en tous les autres drames d’amour, c’est qu’il pensait qu’on devait l’aimer, puisqu’il aimait. C’est un peu trop simple et pro prement révoltant. Le directeur de l’Ecole Centrale est venu déposer à l’audience. Il a, naturellement, fait l’éloge de pon ancien élève; il a proclamé qu’il fui gardait toute son estime....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
En savoir plus Données de classification - ribot
- briand
- herriot
- doumer
- marcel lucain
- gette
- sibille
- de castellane
- bontoux
- richelieu
- marseille
- marignane
- france
- catherine
- paris
- lyon
- bordeaux
- la seine
- versailles
- toulon
- agence havas
- exposition coloniale
- sénat
- quai d'orsay
- conseil général
- parti radical-socialiste
- ecole des mines
- ecole centrale