Extrait du journal

Nord de la France, novembre. Voici l’hiver. Les premières morsures du froid, les premiers frissons d’humidité que nous ressentons, nous dont l’existence con tinue de so dérouler en grande partie dans des maisons couvertes déjà chauffées, rap pellent invinciblement à nos cœurs le sort do nos frères cadets, de nos fils, qui, pour la seconde fois depuis lo début de Ja guerre allemande, recommencent à faire face à un double ennemi. Dans le sol maternel où ils ont dû s’enfouir, ils subissent à nouveau l’averse des pluies glaciales en même temps (pic celle de la mitraille, et la boue liquide, permanente, redevient sous leurs pieds la digne alliée de la sournoise sape alle mande. Contre ces dangers renaissants, quelles précautions nouvelles a-t-on prises ? Queljes armes a-t-on données contre l’hiver à nos soldais, désormais supérieurement ar més contre le Boche ? J’ai voulu le savoir. Voici ce que j’ai appris. Tout le long du front, dans les cantonne ments où les unités viennent, alternative ment se reposer du séjour dans les tran chées de première ligne, on a profité avec soin de l'expérience acquise 1 an dernier pou r perfectionner les aménagements. D’immenses stocks de paille, sans cesse ali mentés, permettent de « nourrir » abon damment et de renouveler fréquemment les matelas primitifs, mais chauds, faits de simples couches de cette paille sur lesquels les hommes s'étendent. Des appareils de chauffage ont été distribués par milliers : poêles à charbon, poêles à buis, à alcool, à pétrole, etc., sans compter les cheminées dos maisons, des ateliers, des écoles, des usines, qui brûleront Jok provisions de bois faites à loisir pendant l’automne. • Eu première ligne, partout où la chose a été possible, les tranchées ont été couvertes, en totalité ou en partie, d’épaisses toitures, faites de madriers entrecroisés supportant des couches de terre, servant d’abris à deux fins, contre les projectiles et contre la pluie. Le sol des tranchées et. des boyaux a été pavé, dans les endroits où la pierre est commune. Dans les buis et à proximité de ceux-ci, ce sol est raffermi par de multiples couches superposées de rondins, qui sont des branches d’égale épaisseur, coupées à la longueur voulue, et que l’on juxtapose. Le ciment pur, Je ciment armé, le béton ont été employés à profusion dans les endroits où lo terrain mouvant, friable ou marécageux — par exemple le long de l’Yser, dans lo bassin de la Lys, etc., — rend l’humidité particulièrement tenace. On est parvenu ainsi à assurer, dans ces endroits, daos les tranchées, une étanchéité...