Extrait du journal
La cartomancienne de Marie-Antoi nette avait prédit à cette dernière, il y a par conséquent plus d’un siècle, que les hommes finiraient par se manger entre eux et que, en voulant devenir trop sa vants, ils bouleverseraient l’univers, sans 5e rendre compte qu’ils en seraient les premiers punis. Que le bouleversement des saisons soit te résultat des conquêtes de la science, c’est une chose qui peut se discuter. Mais ce qu’on ne saurait nier, c’est que les progrès de la chimie aient détruit la pureté de nos aliments,et que nous ne ces sions d’être empoisonnés lentement par tout ce que nous buvons et par tout ce que nous mangeons. Tout, aujourd’hui, est frelaté, les denrées comme les con sciences ; et notre bien-être factice, plutôt fait d’apparences que de réalités, est loin d’égaler celui du vieux maître Rabelais se nourrissant de bonnes andouilles et buvant du vin de la vigne. A la vérité, il y a des compensations. Nous avons découvert le pôle et nous allons voler dans les airs. Pour ce qui regarde l’aviation, j’en di rai ce que j’ai déjà dit des automobiles. Un vieil auteur fit un jour ces deux Vers : Damon de six chevaux attelle sa berline.. Ou court-il donc si vite î Hélas ! à sa ruine:.. Singulier est ce désir d’arriver le plus vite possible nous ne savons où, et où nous arriverons toujours trop vite. A quoi nous servira de dévorer l’espace ? Nous allons, nous allons, nous agitant sans fin, donnant peut-être la comédie à des êtres supérieurs, qui doivent nous prendre pour des fous et se demander ce que nous avons à frétiller comme cela. Pour le pôle, c’est encore plus comi que. S’emparer du pôle, c’est comme qui dirait conquérir un méridien. Cela est purement imaginaire. La terre étant une boule, qu’on la tourne en large ou qu’on la tourne en.long, on se retrouve toujours au même point. La pensée qu’on allait trouver quelque chose qui s’appellerait le pôle est une curieuse hallucination de notre imagination. Les Américains se disputent pour sa voir qui y aurait le premier planté le drapeau. Il n’est pas encore bien certain que ce soit quelqu’un. Mais ce qui est encore plus incertain, c’est l’endroit nommé pôle, où le drapeau aurait été planté. Quelques personnes ne - seraient pas éloignées de croire qu’il y a là un bout pointu, et qu’on peut se mettre à cheval dessus, comme sur le faite d’un clocher. La vérité est que, sans les embarras amoncelés par la nature, le pôle serait un passage comme uri autre et qu’on le traverserait sans s’en apercevoir. Longtemps ce fut, en effet, comme passage qu’on le rechercha. Il était cons tamment question d’une route plus courte pour se rendre d’un endroit à un autre. Aujourd’hui, où il est hors de doute que cette route sera toujours la plus longue de toutes et la moins prati cable, l’intérêt du parcours de ces ré gions inhabitables et inhabitées devrait avoir beaucoup diminué. Il n’y avait guère que la curiosité à Satisfaire. Si l’on en croit les explora teurs, c’est un spectacle qui ne vaut pas l’argent. Il est vrai qu’on doute fort qu’ils aient accompli leur voyage. A beau mentir qjii vient de loin. La pré sence signalée de quelques centaines de lièvres n’a pas été sans nous donner de la défiance. Mais qu’ils y aient été ou non, un peu de réflexion et de bon sens suffit pour nous persuader qu’il n’y a là ni palais mystérieux, ni îles enchantées, ni quoi que ce soit qui vaille la peine d’y geler. « Qui sait ce qu’on va trouver par là ? » disait-on jadis. Et l’on avait dit la même chose, quand il s’était agi de l’intérieur de l’Afrique. Nous touchons à l’heure où sur tout le globe il n’y aura plus grand comme la main d’inconnu ; et de tout ce que nous rêvions, il n’est resté que l’ina nité de nos rêves et la certitude que rien ne ressemble à une poignée. de terre comme une autre poignée de terre. Les enfants curieux brisent leurs §ouets pour savoir ce qu’il y a dedans. Quand ils ont vu ce qu’il y a dedans, ils sont fortement désillusionnés, et ils vou draient bien ravoir le jouet ; mais ils ne l’ont plus. La belle poupée ne reparaî tra plus, étincelante d’oripeaux, pareille à une divinité ; Polichinelle a perdu jus qu’à sa bosse héroïque, et le son s en échappe par tous les trous. L’enfant pleure et se désole. L’homme, Dyant tout parcouru et dispersé une à une ses chimères, cherche ce qu’il pour rait bien briser encore. Il sait, d’ailleurs, admirablement qu'il n’en sera pas plus avancé, et ce qu’il en fait, c’est pour se distraire de l’incommensurable ennui dans lequel il s’est plongé lui-même.» La fable de la boîte de Pandore, le «conte de Barbie-Bleue, c’est toujours l’histoire de l’humanité. Nous avons voulu tout creuser, tout sonder ; nous avons ouvert toutes les serrures, pénétre dans tous les coins, mis en lumière tout ce qu’avait enfermé la nature. Nous sommes admirables, puissants, si sa vants, que nous avons atteint ce point culminant de la science où l’on décou vre qu’on ne sait rien, et, finalement, flous nous ennuyons à mourir. Aussi, parfois, nous .prenons-nous à re...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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