Extrait du journal

Que dit la somnambule ? Un confrère parisien s’est rendu à la foire de la barrière du Trône et a questionné une somnambule sur les questions internationales. L’extra-lucide n’a eu aucune peine à lui prédire une foule de choses aussi intéressantes et surtout véridiques que si elles étaient annoncées par un diplomate. Et c’est moins cher, moins solennel aussi. On peut même dire que la pythonisse à cent sous la séance ne manque pas de bon sens quand elle prophétise que la guerre ne pourrait succéder qu’à la paix et que les dettes ne prendront fin que si on les annule. Quant à la crise éco nomique, elle ne cessera qu'avec la re prise des affaires. Si l’on nous avait toujours donné des vérités premières de cette qualité, nous n’aurions jamais eu les surprises désa gréables que nous ont causées les confé rences innombrables, y compris celle de Genève actuellement et les déboires de tous les plans américains. M. Herriot, qui parlera aujourd’hui à Marseille, saurait-il lui-même conjectu rer plus et mieux que la devineresse à tarif fixe qui s’inspire de feu La Palisse ? Lors de son retour de lu Maison Blanche il a pu ratiociner mais non affirmer. A un journaliste lyonnais qui lui de mandait quelles idées il développerait à proximité de La Canébeére, il a ré pondu plaisamment: « Cela dépendra du temps qu’il fera. » Mot plus profond qu’il n’en a l’air. Le temps qu’il fait politiquement et financièrement dans les grands pays du monde commande les événements et inspire les discours. Il y a à Genève une dépression très grave et le baromètre est en baisse à Berlin. Les Etats-Unis, qui nous donnaient des promesses de beau temps, le voudraient plus spéciale ment chez eux. Là où nous devions verser 170 mil liards en soixante ans à l’Amcrique, on j nous tiendrait quitte avec une cin quantaine de milliards payes comptants tout de suite, dont le tiers en or. C’est ce qu’on appelle la-bas être généreux et secourable. L’Angleterre, de son côté, consentirait à diminuer notre dette à son égard. Elle est d’environ 80 milliards. On la rédui rait de 50 pour 100, mais le solde paya ble sans retard en or également. Après cette double opération, les 80 milliards de métal jaune que nous avons dans les caves de la Banque au raient disparu et notre franc baisserait tellement en face du dollar et de la livre qu’il faudrait un milliard de ce papier, comme il arriva un jour au mark de la banqueroute, pour acheter une boite d’allumettes. Voilà les jolies combinaisons qu’on nous proposerait, à l'heure même où l’Allemagne, qui a 2 millions d'hommes prêts à se battre, torpille les palabres de désarmement à Genève. Parmi tous ces larrons amicaux, quelle position serait la nôtre ? On son ge, entre la menace du pillage et celle de l’agression, aux vers d’Arnault : — Tout est à moi, car je l’achète El le paie en deniers comptants. Disait l'Or, élevant sa tète. — Tout bas, dit le Fer, je t arrête: Tout est à moi, car je le prends. Il nous faut résister à bien des gens. M. Daladier a prononcé au Sénat, à pro pos de la discussion sur les dépenses de la défense nationale, quelques mots de virilité et de prudence qui valent une longue harangue. Pas de fanfaronnade ni d’optimisme trompeur. Simplement l'amour de la vraie paix sans que ce sentiment puisse être pris pour un aveu de faiblesse. — E. TH....