Extrait du journal
L'Hôtesse D’UN DE NOS COLLABORATEURS AU FRONT De X..., mai. Mes hommes installés, je me dirige vers ma chambre. Je suis logé chez une jeune fermière dont le mari est mobilisé. — Quelle tête ? dis-je au fourrier qui me conduit. — Plutôt sympathique. Propreté ex trême. Mais, dame, elle doit s’entendre à faire marcher son monde. Quel œil ! Propre, ça me va. Autoritaire, ça ne re garde que son mari. Personne» dans la maison. La cuisine traversée, nous arrivons devant ma cham bre. Le fourrier pousse la porte... La fermière, qui est en train de mettre des draps au lit, se retourne... Oh ! ce re gard dégoûté qui des pieds à la tête m’en veloppe ! Do fait, je ne paye guère de mine. Crotté jusqu’aux cheveux, ruisselant de pluie accumulée, j’ai vite fait de tracer autour do mes pieds un cercle de boue et d’eau. Et mon ordonnance, qui m’a suivi, se trouve entouré, avec la même prompti tude, d'un cercle tout pareil. A mon salut, la fermière répond par un murmure indistinct : ses yeux suivent les progrès de l’inondation sur son beau cârreau luisant et cette contemplation doit lui couper bras et jambes, car elle reste deux bonnes minutes immobiles, sans force pour continuer son travail. Ello ne sort de son mutisme, une fois le lit achevé, que pour ces recommandations faites d’un ton rogue : — Je pense bien que vous n’avez pas l’habitude de vous coucher avec vos sou liers ?... Je réponds qu’en effet je n’ai pas cette habitude — Ni d'essuyer vos souliers après les couvertures ?... Je lui donne ma parole d’officier que je n’essuie pas mes souliers après les couver tures. — Ni de monter sur les fauteuils avec vos gros souliers ferrés ? Oh ! mais, elle m’agace, la fermière, elle m’agace, elle m’agace ! Je laisse cette der nière question sans réponse et je clterche un coin pour déposer mon revolver et mes musettes. Par malheur, en me retournant, un pan de ma capote frôle une armoire... — Mon armoire ! Je n’ai jamais chassé le lion, sinon en rêve, mais je sais maintenant ce qu’est la rugissement de la lionne blessée. Elle se précipite vers son meuble chéri — un meubla superbe, entre parenthèse, aux sobres et délicates ciselures de cui vre — elle le console, elle le cajole, elle essuie d’un tablier pieux sa pauvre face meurtrie, puis, tournant vers moi un visage fulgurant : — Est-ce que vous faites exprès de m’abîmer tous mes meubles 1 — Et vous, répondis-je à bout de pa tience, est-ce que vous faites exprès de m’embêter 1 „ Allons, la guerre est déclarée. Ça va être gai d’habiter ici 1 . . „, Le soir, oiner à notre popote installée chez le maire. Le lieutenant Cakt.... animé et bruyant comme à son habitude, nous fait rire aux éclats par ses saillies. C’est lui qui au nom de notre bourgade a accolé l'ipfamunte épithète de : La Noyée, pour la pu nir tic son accueil trempé de pluie. Le capitaine DI... se pique d’émulation. Il soumet à notre sagacité charades rocainbolesques et. devinettes abracadabran tes : , . . . — Supposez deux proprietaires ayant, le premier un canard et le second un jardin. Le canard du premier va pondre un œul dans le champ du second : à qui appar tient l'œuf ? — Au premier, répond Cakt..., ça ne fait aucun doute. , J — Au second, dis-je à mon tour, cest l’évidence même. Et le capitaine : — Ni à l’un ni à l’autre, car un canard ne pond pas d œufs 1 Je mets tous mes efforts à faire traîner...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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