Extrait du journal

Francesca n’en entend pas davantage. Tout son courage lui revient, toutes ses hésitations cessent. La voix reprend : — N’oublie pas ce que tu m as promis, ce que tu m’as juré ! Prends la fillette... et qu’on ne la revoie jamais... — Jamais ! répéta Francesca dont la voix tremblait... jamais !... L’Espagnole s’élança dans la nuit et, sans rencontrer personne, pénétra dans le château. Sur une banquette, non loin de la chambre de la gouvernante, une jeune bonne dort. Ce soir, elle est la gardienne de l’enfant. Mais elle a dansé toute la journée, elle est fatiguée. Et comme à son âge —elle a à peine seize ans — le sommeil est profond, elle ne s’éveille point et continue à emplir le long corridor obscur de ronflements sonores. Francesca n’hésite pas. D’un bond elle s’é lance dans la chambre, enlève l’enfant de son petite lit de soie et de plumes et l’emporte, endormie, dans ses bras. La petite bonne ne s’est pas éveillée ; un bon sourire aux lèvres, elle continue son rêve, tandis qu’affolée, éperdue, Francesca fuit dans la campagne. Où est-elle maintenant î D’abord elle aperçoit les salines, puis le port et le canal désert. En face, sur l’autre rive du canal, les habi tants du Grau-du-Roi dansent ; les tirs à la carabine font fureur et les coups de fusil se répercutent au loin. Francesca fuit toujours. . . Arrivée près de l’église, elle descend .quel ques marches d’escalier et, portant toujours l’enfant endormie dans ses bras, monte dans une barque qui se balance mollement sur les eaux tranquilles. ^ Délicatement, elle dépose la fllette au fond de la barque, sur un paquet de hardes ; puis saisissant les rames, dont elle sait se servir r-'ssi bien qu'un homme, elle s’éloigne rapl-‘-•nont....