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Le Petit Marseillais, 16 novembre 1893

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Le Petit Marseillais
16 novembre 1893


Extrait du journal

ne donnent satisfaction à ces aspirations diverses qui sont innées en nous. Dans l’état chaotique de l’Europe, la guerre est toujours imminente et une guerre dans laquelle des millions d’hom mes sont devenus des unités tactiques, comme autrefois le régiment. Que dans un accès de féroce folie, un souverain décide d’utiliser les armes dont il dispose et l’Occidenttout entier est en deuil,comp tant par centaines de mille les veuves et les orphelins.Si même cet universel péril peut être conjuré, se dresse aussitôt le spectre sanglant des luttes intestines. Seuls, les niais et les farceurs peuvent dire ou croire que la violence de la lutte engagée entre les classes n’aboutira pas à des conflits terribles. Il faut être fou pour espérer qu’on arrivera à remonter un courant qui s’est établi aux premières heures de la civilisation, sans provoquer des résistances désespérées. Il faut être idiot pour supposer qu’on excitera sans relâche, jusqu’au paroxysme, les appé tits, les haines, les envies des malheu reux, que par un effet de mirage, par une hallucination, on leur montrera une sorte de terre promise, de paradis terrestre dont l’accès n’est défendu que par de pré tendus privilégiés, sans qu’un Jour n’ar rive où, dans un mouvement de fureur, ils n’essaient debalayerviolemment l’obs tacle qui les sépare de la félicité morale et matérielle à laquelle ils aspirent. On les trompe, soit, et les meneurs qui les entraînent savent bien que même vic torieux, même triomphants sur les ruines universelles,le problème qu’ils croiraient un instant avoir résolu, se poserait à nou veau dans les mêmes termes, avec la même intensité. Mais si la déception est certaine, on n’en aura pas moins détruit une civilisation en poursuivant un but irréalisable. C’est parce qu’on a le pres sentiment de l’inutilité finale de l’entre prise et la certitude qu’elle sera tentée néanmoins avec une farouche énergie que chacun envisage l’avenir avec in quiétude et que les pères hochent la tète en disant : < Nos fils verront d’étranges choses. > L’intervention de la dynamite dans les querelles humaines est un nouveau con tingent d’horreur dont l’idée ébranle les systèmes nerveux les plusrôsistants. Après l’attentat de Barcelone, réalisation d’un plan exposé, il y a déjà longtemps, par les anarchistes anglais, on peut dire que l’œil a désormais une vision de l’infernal. Partout où une foule se réunira, un fou, un scélérat ou un sectaire peut se trou ver là pour changer le champ de fête en cimetière. Ne voit-on pas à chaque instant des en fants s’amuser à placer des obstacles sur des rails de chemin de fer et attendre, embusqués, le spectacle horrible mais Inédit d’une effroyable catastrophe ? Ce sont là, disent les esprits forts, de folles craintes de bourgeois timorés. Oui, jus qu’au jour où quelque fanatique, égale ment fou ou scélérat, s’avisera de tourner contre la démagogie le terrible engin ré servé, à cette heure, aux prétendus pri vilégiés. Si quelque anarchiste réaction naire, un Ravaillac fin de siècle, lançait une bombe dans un grand banquet com me celui qui réunissait, l’autre jour à Carmaux, les meneurs de grève et les députés qui font profession d’exaspérer les foules, jusqu’où s’étendrait la terreur provoquée par un semblable et si mons trueux crime ? Si l’attentat de Barcelone avait précédé de quelques heures les fêtes franco-russes, croit-on qu’on eût rencon tré beaucoup d’amateurs offrant six mille francs pour une loge à la représentation de gala ? Tout le monde est égal devant la dyna mite. Les portiers qui veillent aux bar rières des maisons n’en défendent pas plus les propriétaires que le modeste volet n’en protège le locataire de la petite maison ouvrière où dorment le mineur et sa famille. L’insécurité matérielle est aussi grande que l’incertitude morale. Il n’y a plus une seule des idées, trans mises dans l’humanité de génération en génération, qui ne soit mise en ques tions, critiquée, niée. Ces idées ne sont...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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