Extrait du journal

Plusieurs lecteurs me demandent si la récolte du vin sera bonne cette année et si elle compensera les pertes de l'année dernière. Je serais tout à fait enchanté de pouvoir leur donner une réponse favora ble et même une réponse quelconque, mais je me vois obligé de leur avouer que je n’en sais rien, que personne n’en sait rien, et que tous ceux qui prédisent le temps sont des illusionnés ou des impos teurs. La science n’a encore aucune base sérieuse pour établir ces pronostics, et les incertitudes de la météorologie conti nuent de rester aux antipodes des certi tudes de l'astronomie. Une remarque plutôt agréable, une sorte de fiche de consolation, peut être présentée ici aux viticulteurs comme aux horticulteurs, c’est qu’il y a juste cent ans, l’année 1810 s’est montrée aussi froide, aussi pluvieuse, aussi stérile que l’année 1910, et qu’elle a été suivie, en 1811, d’une année ensoleillée, féconde en fruits succulents et célèbre par ses vins abondants et capiteux — les fameux vins de la comète. Il ne serait pas impossible qu’il en fût de même cette année, et nous pouvons toujours espérer que ce précé dent de bon augure se renouvellera.Mais ce n’est là qu’une vague considération de statistique, et les vignerons les mieux servis seront ceux qui ne se sont pas découragés du déplorable rendement de l’année dernière et qui ont pris soin de tailler leurs bois et de soigner leurs ceps. Traversant récemment la Bourgogne, j’ai déjà cru remarquer que de Dijon à Mâcon, il y aura une différence notable dans la récolte entre les premiers et les seconds. Quant à la prétendue influence des comètes sur le vin, il semble que, après l’expérience de l’année dernière, cette association d’idées devrait disparaître définitivement, la coïncidence de 1910 étant diamétralement opposée à celle de 1811. Mais vous verrez quelle ne s’effa cera pas encore de sitôt. Comment ce mois de mai finira-t-il ? Cette année, ce mois est celui de la tune rousse, qui a commencé le 28 avril et finira le 28 mai. Mais nos lecteurs savent tous aujourd’hui, semble-t-il, que la lune n’entre pour rien dans les varia tions de la température Il ne serait pas exagéré de dire que les Inquiétudes inspirées par les fluctuations du temps, en mai comme en avril, n’ont aucun caractère météorologique spécial. Cette période du printemps ne présente pas de variations thermométriques plus marquées que tous les autres mois de l’année,et les « saints de glace » du calen drier populaire, saint Mamert,saint Pan crace et saint Servais,les 11, 12 et 13 mai, ne reviennent pas, comme on pourrait le croire, à ces dates fixes, ni même à des dates approchées de ces trois jours. D’ail leurs, s’ils revenaient à ces époques annuelles, ce retour prouverait que la lune n’y est pour rien, puisqu’elle change de date constamment relativement au soleil. Depuis une vingtaine d’années, je publie tous les ans un tableau synopti que des températures de chaque jour de Vannée, maxima, minima et moyenne. Il suffit de regarder ce tableau pour cons tater que les fluctuations de la tempéra ture ne sont pas plus accusées au mois de mai qu’à toute autre époque de l’année. Ces variations nous frappent davan tage, parce quelles influent sur notre santé et qu’elles agissent sur la végéta tion, mettant en péril les productions du soleil printanier. Nous avons quitté nos vêtements d’hiver, nous croyons l’été arrivé, nous humons les premières cha leurs, et une chute thermométrique de six degrés et davantage vient nous sur prendre très désagréablement. N’avonsnous pas vu, à Paris, la température...